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Editorial du 2 octobre 2023

 

Chers amis, cher public,

Le Théâtre du Soleil est heureux et fier de vous annoncer son prochain spectacle :

NOTRE VIE DANS L'ART
de
Richard Nelson

Du 6 décembre 2023 au 3 mars 2024
toutes les informations utiles se trouvent ici

 

Je relis la lettre que je vous avais écrite pour annoncer Kanata, mis en scène par Robert Lepage, en octobre 2018. C’était avant la Peste. C’était avant la guerre. Comme elle nous paraît lointaine maintenant la  “crise” de Kanata. Comment pourrait-on, aujourd’hui, passer du temps à se quereller sur “A-t-on le droit de jouer l’Autre” alors que nous en sommes à hurler : “Arrêtez d’assassiner l’Autre” et que cet Autre, ce soi-disant Autre, nous crie : Ne comprendrez-vous donc jamais que je suis vous !

Je voudrais dire ici toute l’admiration que j’éprouve depuis longtemps pour l’œuvre de Richard Nelson, dramaturge américain reconnu aux États-Unis, dont la notoriété en France est encore naissante mais dont le travail étonnant ne saurait rester confidentiel plus longtemps chez nous, ni par sa forme vraie et populaire ni par son contenu chaque fois plus bouleversant. Certains d’entre vous auront déjà fait le lien entre le titre de la pièce et celui du célébrissime livre de Constantin Stanislavski : Ma Vie dans l’Art. Et en effet, le spectacle, mis en scène par Richard Nelson lui-même, raconte un dimanche très particulier de la vie de la troupe du Théâtre d’Art de Moscou lors de sa tournée au États-Unis en 1923. Oui, alors que la Russie patauge dans le sang des Ukrainiens et de ses propres soldats et qu’elle jette dans ses cachots le meilleur d’elle-même, Richard Nelson invoque un groupe inoubliable, insurpassable, d’artistes, d’êtres humains, dont, il y a maintenant un siècle, la vie fut irrémédiablement tordue, ruinée, ravagée, par un système dont on avait espéré qu’il ferait le bonheur de l’humanité. Et qui, en quelques mois, avait transformé une immense respiration populaire en un laboratoire de poisons, de contentions et d’assassinats.

Ce message, vous vous en doutez, est, plus que jamais, un appel à agir vite. À venir vite.
En effet, depuis toujours, vous êtes nos hérauts. Aucune affiche, aucune publicité onéreuse, aucune critique journalistique n’a la même légitimité ni efficacité que ce qu’on appelle le bouche à oreille. C’est-à-dire vous.

Donc, une fois signalé, avec reconnaissance, le soutien constant et sans faille du Festival d’Automne à Paris, c’est bien grâce à ceux d’entre vous qui viennent en éclaireurs dès le premier mois, dès la première semaine de représentations et qui, jusqu’à présent, aiment nos spectacles et le font immédiatement et puissamment savoir que le Soleil réussit à faire ce qui nous est absolument vital : jouer, dès le premier jour, devant une salle pleine.
Cette fois-ci, nous avons besoin de nos hérauts. Comme toujours, nous direz-vous. Oui, comme toujours et, chaque fois, de plus en plus.
Oui, nous vous appelons à être, dès le début, nos témoins. Des témoins de bonne foi, exigeants et sincères, qui pourront dire si, en ce monde chaotique et grimaçant que des peuples désespérés confient aux pires démagogues, notre spectacle ajoute de la division à la division, du mensonge au mensonge, de la haine à la haine, ou s’il respecte, comme c’est notre devoir, les lois essentielles, écrites ou non écrites, de l’amour de l’Humanité tout entière.

Nous vous attendons, nous vous espérons.
À très vite,

Ariane Mnouchkine

 

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