Nous allons donc enfin nous retrouver ! Nous, le Soleil, nous allons donc enfin trembler à nouveau à l’idée de vous décevoir, de vous déplaire, ou pire encore de vous trahir en n’osant pas risquer de vous déplaire. Enfin ! Vous allez revenir, pour certains, et pour d’autres arriver ici, pour la première fois.
Nous allons vous voir, traverser la prairie en courant, ou plus tranquillement suivre le chemin habituel. Vous allez arriver, joyeux ou parfois emmaussadés et fatigués de votre journée, ou même en colère. Et nous, nous allons faire de notre mieux pour que, de chez nous, vous repartiez plus forts et plus confiants, autant que faire se peut.
Mais allez-vous revenir ? Allez-vous secouer la triste pesanteur de l’époque et quitter vos écrans pour venir nous voir, nous, le Théâtre du Soleil, en chair et en os ? Allez-vous réussir à surmonter la fatigue mentale qui est la nôtre depuis deux ans pour traverser les bois et nous faire l’honneur de venir partager ce moment de théâtre avec nous ? Ce moment de vie ? Les dieux et déesses du théâtre qui ne savent où donner de la tête pour vous guider vers tant de grands et petits édifices où la lumière, enfin, s’est rallumée, vont-ils savoir vous guider aussi vers nous ? Vous souvenez-vous même de nous ?
Nous avons ouvert la location. Presque inopinément. Car comment savoir quand on pouvait espérer vraiment commencer. Ensemble. Tous et toutes. Sans jauge économiquement insoutenable. Voilà pourquoi cette lettre vous arrive aussi tard.
Allez-vous venir ? Will you come? Vocês virão ? ¿Vendran? Werden sie kommen? 来てくださいますか?Vous êtes le sujet de toutes nos interrogations et de tous nos espoirs.
Comme toujours, il faut que vous veniez vite. Car c’est vous, premiers spectateurs, qui êtes nos hérauts. Ceux qui, lorsqu’ils sont contents et fiers de nous, prennent leurs trompettes ou plus souvent leurs téléphones pour pousser vers nous des flots de spectateurs nourriciers. Ou qui, mécontents, font le contraire. Mais à cela nous ne voulons même pas penser. Donc, voilà que L’Île d’Or, Kanemujima, notre nouveau spectacle, concocté pendant ces longs mois de deuil et de séparations, voilà qu’il va prendre la mer, le 3 novembre 2021.
Nous vous attendons.
Le Théâtre du Soleil
dessin de Catherine Schaub-Abkarian