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Ici sont les Dragons

Un grand spectacle populaire inspiré par des faits réels – En trois époques

à partir du 15 novembre 2024

Une création collective du Théâtre du Soleil
dirigée par Ariane Mnouchkine, 
en harmonie avec Hélène Cixous

Première Époque
Ici sont les Dragons
1917-1924
Deuxième Époque
Situation Rooms
1924-1944
Troisième Époque
Il est encore fécond...
... - ...

En coproduction avec le TNP - Villeurbanne

Avec le soutien exceptionnel, à l'occasion de la célébration des 60 ans du Théâtre du Soleil, de la Région Île-de-France, du ministère de la Culture et de la Ville de Paris

 

Infos

Représentations

à partir du 15 novembre 2024
[les répétitions sont en cours]

Location

ouverture lundi 14 octobre 2024

Qui sont ces Dragons ?

Nous qui sommes le public de l'an 2024, nous sommes datés. Quand a commencé notre Histoire ? Il y a 3000 ans, hier, par une guerre. L'Histoire-Légende aura toujours commencé par une guerre, une révolution, la fin d'un monde, le commencement d'un monde. La Guerre de Troie et la guerre mondiale. Laquelle ? La première, la seconde, la troisième ? Un empereur massacre un peuple. Un peuple se soulève, fuit. On tue un roi. Un Français ? Ou un Russe ? Ou un Grec ? Avant. Demain matin.
De ton temps, Shakespeare, c'était comment ?
Selon Shakespeare, nous sommes des mouches pour les dieux. As flies to wanton boys are we to the gods. Ils nous tuent pour s'amuser. Vus par le Théâtre nous sommes des pions sur l'échiquier des Dieux : des soldats et des généraux, des rois, des esclaves, des prophètes, des mères et des orphelins, des ogres et des gibiers humains, des…
L'Histoire est un cauchemar qui nous dépose sur la rive d'un autre rêve. La plupart du temps millénaire, ce nouveau rêve est un cauchemar qui répète son scénario de fatalités et de résurrections. Les continents sont baignés de sangs. Il y a toujours de nouveaux personnages mythologiques, les masques changent, les férocités se modernisent. 
Qui sont ces dieux bouchers ? Non, ce ne sont pas seulement des « garçons espiègles », ces hommes qui tuent pour démontrer leur violente divinité. Tous les jours nous prononçons leurs noms avec effroi et stupéfaction. Tous des Personnages hurleurs, sous leurs noms de masques, ces orateurs diaboliques s'enivrent de leurs propres paroles incendiaires. Dictateurs, chefs, tyrans totalitaires, mangeurs d'humains, cyclopes aveugles, peintres ratés, faux poètes, grands seulement par leur ambition illimitée, ils ont les armes, champions olympiques dans la pratique du Mensonge.  
Aujourd'hui nous les appelons l'un Poutine, ou l'autre Dragon là-bas, vous savez, Trump ? Ah, Trump oui, et celui-là ? C'est Hitler.
Crois-tu vraiment, Shakespeare, qu'ils ne nous tuent que pour s'amuser. Ils veulent nous exterminer. Nous effacer de la Terre et de la mémoire. Car ces monstres sanguinaires, ce sont des hommes, c'est incroyable.

C'est pour ça qu'ils nous fascinent. Ils sont incroyables et ils sont toujours là, les Grands Cruels, les Führer, Lénine, Staline, -tine, -nine, -line, -tine. Ce sont des mortels et ils veulent notre mort ! Nous ne comprenons pas pourquoi, comment, quel est le secret de leur pouvoir. Seuls, mais entourés de fascinés. 
Comment un homme seul peut s'emparer des âmes, comment il parle de haut tandis que les peuples en bas, se rendent au maître, lui qui se tient au-delà du bien et du mal, enchanteur, despote absolu, grand prêtre de son propre culte, créateur d'abattoirs pour troupeaux humains, fondateur du laboratoire des poisons, inventeur du totalitarisme, avaleur de continents,
« Quand sa moustache rit, on dirait des cafards »
« Les petits chefs grouillent autour du grand chef – la nuque frêle. Lui, parmi ses nabots, se joue de tant de zèles »
Ainsi parle une mouche poète, une étincelle, le poète Mandelstam, et aussitôt on lui arrache les ailes.
Et pendant ce temps, à Berlin
Qu'ont-ils en commun, ces dragons, chefs des nations hostiles ? Ceux qui se partagent la haine du prochain et l'impitié pour les millions de leurs victimes ?
La Cruauté.
« De tout supplice sa lippe se régale ».
Avec ou sans moustache, c'est toujours le même fauve forcené.
Alors, tout est fichu ?

Mais dans chaque pièce s'avance le miracle, là où règnent les Grands Mégalomanes se dresse un tout petit poète, un soldat de la vie, un géant par l'esprit, un fidèle au génie du droit humain, un sans peur et sans hésitation, les héros à l'humour tout-puissant, les Churchill et autres Inébranlables, et ce sont eux qui écrivent l'Histoire vraie des vainqueurs de la haine. Et dans la Voix du Théâtre, après l'asphyxie et le poison, résonnent leurs voix.

Hélène Cixous, 28 juin 2024