du 01 au 02 janvier 2000
Le mot râga dérive de la racine sanscrite ranj qui signifie : « ce qui affecte ou ce qui colore l’esprit et qui procure du plaisir ». Mentionné pour la première fois dans la littérature musicale il y a plus d’un millénaire, ce terme recouvre un concept ouvert au sein duquel l’association d’une structure musicale avec un état émotionnel particulier, une saison ou un moment de la journée, est aussi importante que sa forme mélodique. Le but premier d’un raga est de procurer un ravissement esthétique en offrant à l’auditeur une « saveur » (rasa) à goûter. Cette notion de saveur est au cœur de la pensée esthétique de l’Inde et joue un rôle essentiel dans toutes les disciplines artistiques. Un râga est bien plus précis et plus riche qu’un mode ou qu’une simple gamme et en même temps bien moins figé qu’une mélodie donnée. D’une manière plus générale, un râga peut être regardé comme un cadre mélodique approprié à la composition et à l’improvisation, une entité musicale dynamique possédant une forme unique, incarnant une seule idée musicale. Un râga rassemble un grand nombre de thèmes composés par les grands poètes-compositeurs d’autrefois, ce qui n’empêche pas les musiciens créatifs d’aujourd’hui de composer de nouveaux airs et de générer ainsi une variété infinie de séquences mélodiques dans le cadre d’un râga donné.
Philippe Bruguière, Musée de la musique.
Extrait du programme de La Philharmonie de Paris pour la Nuit du râga du 31 janvier 2015.
Illustration d'un mode musical (râga) personnifié : Shrî Râga
Gouache et or sur papier, vers 1600. École moghole. Musée Guimet.
Nisardin, XVIIe siècle, Chavand Ragmala Dipak-raga
On compte une soixantaine de râga issus du système carnatique dans l'ensemble du répértoire. Quelques uns ont à peu près disparu de la musique de concert mais demeurent dans les traditions du Kathakali. Avant un spectacle, le Ponnani détermine les râga appropriés aux scènes qui seront jouées en fonction du moment de leur exécution dans le cours de la nuit.
Dans le contexte du Kathakali, un râga est à la fois une cellule musicale et dramatique. Sans perdre sa signification d'origine, sa coloration dépendra toutefois autant de son tempo d'exécution que de son interprétation. Selon son traitement, un même râga pourra s'accorder à des situations diverses; il doit avant tout répondre aux éxigences de l'action et distiller le substrat émotionnel qui favorisera la communication dramatique. Plusieurs Raga peuvent se succéder dans le déroulement d'un même Padam. Il est également courant de voir deux personnages dialoguer sur leurs râga respectifs. Ainsi, à Panchavati, Rama s'adresse à Sita sur le mode Sankarabharanam; celle-ci éblouie par la biche tachetée d'or et sollicitant la complaisance de son époux, lui répond sur Anandabhairavi; plus tard, elle se lamentera sur Saveri. certains râga répondent, de préférence, aux qualités d'un Paccha, d'autres à celles d'un Katti, d'un Tadi ou d'un Kari, etc., conformément aux conventions propores aux différentes écoles.
Extrait du livre L'Histoire fabulause du théâtre Kathakali à travers le Ramayana, de Milena Salvini, éd. Jacqueline Renard, 1990.
La Philharmonie de Paris a convié les grands maitres de la musique indienne pour une Nuit du râga le samedi 31 Janvier 2015. À écoutez ici.
Vasanta ("printemps" en sanskrit)
Recueil de peintures Radjpouth
École moghole provinciale, rajpoute, fin du XVIIIe siècle
En Inde, la musique a toujours présidé aux moments importants de la vie sociale et religieuse. Ainsi les œuvres picturales répandues dans les cours princières des XVIIe et XVIIIe siècles présentent naturellement des scènes de concert et des portraits de musiciens. Mais un genre tout à fait particulier à la peinture indienne est la représentation iconographique de la musique elle-même ; plus précisément ce sont les ragas qui font l'objet d'illustrations visuelles et ces images sont souvent rassemblées dans des albums intitulés "Guirlande des ragas" (Ragamala en sanskrit). Lire la suite sur le site de la BnF.