« As-tu oublié que l’homme préfère le repos, et même la mort, à la liberté de discerner le bien et le mal ? Il n’y a rien de plus tentant pour l’homme que la liberté de sa conscience, mais rien de plus douloureux aussi. »…. Ces mots tranchants, serrés comme un poing accusateur levé au ciel, s’adressent au Christ. Extraite d’un des chapitres des Frères Karamazov, de Dostoïevski, la légende raconte que, revenu dans le Séville du 16èmesiècle, Jésus provoqua par ses miracles le délire des foules et la colère du Grand Inquisiteur qui le fit enfermer, l’accusant de faire souffrir les hommes en leur laissant le choix de croire ou non.
Ainsi, à la foi en la liberté et l’amour, le Grand inquisiteur substitue la puissance et l’autorité, auquel chacun doit se soumettre aveuglément, même contre le gré de sa conscience. « Et c’est ce que nous avons fait, quinze siècles durant »… Patrice Chéreau enfourche cette diatribe hallucinante contre l’Église, qui a réinterprété le message du Christ. Fin lecteur, il aime retrouver le chemin de la scène pour se livrer à cet « exercice pratique ». Il fait entendre au présent cette réflexion sur la liberté et la misère humaine, toujours à vif.
Gwenola David, extrait La Terrasse 10.09.2007