L'Île d'or – Cornélia (Hélène Cinque) et son ange gardien-infirmier Gabriel (Sébastien Brottet-Michel) © Michèle Laurent
« Vite, une île ! » Présentée à la Cartoucherie de Vincennes depuis le 3 novembre 2021, la nouvelle création collective du Théâtre du Soleil, sous la direction d’Ariane Mnouchkine, convoque l’île comme thème littéraire et objet de réflexion. L’appel d’Hélène Cixous dans sa note pour le programme signale que l’île y est avant tout conçue comme virtualité d’ordre philosophique et politique. « Vous vous souvenez d’Utopia naturellement. Une île presqu’incroyable... » Utopie : voilà ce qu’incarne avant tout l’île, pour Cixous, Mnouchkine et l’ensemble de la troupe. Mais quelle utopie ? Un espoir, un projet ? Ou peut-être un rêve – c’est du moins ce que peut laisser penser Cornélia, l’héroïne malgré elle d’Une chambre en Inde, qui se trouve cette fois malade du Covid et, de sa chambre d’hôpital, rêve qu’elle est au Japon.
L’île d’or existe vraiment. Du moins s’inspire-t-elle d’une île existante : Sado. Cette île, au large de Honshu, Ariane Mnouchkine la connaissait avant d’imaginer ce spectacle – elle en a déjà parlé1. Sado fut d’abord – à partir du VIIIe siècle – un lieu de bannissement, apte pour le pouvoir impérial à éloigner les dissidents. Des poètes, des artistes y furent exilés jusqu’au XVIIIe siècle, parmi lesquels Zeami, fondateur du nô, en 1434 : c’est à lui que l’on doit son surnom d’île d’or. Il semble que la tradition d’une pratique théâtrale intense sur le sol de Sado remonte à cette époque-là. Aujourd’hui encore, plusieurs troupes y existent, animées par des professionnels et des amateurs, et chaque année, pendant six mois, les spectacles s’enchaînent sur les différentes scènes de l’île, au cours d’un festival traditionnel et populaire.
Le théâtre, l’utopie, l’histoire : dans cette nouvelle création, et d’une manière revendiquée, les trois notions s’entremêlent, comme une synthèse de ce qu’est la troupe du Soleil elle-même, ainsi qu’elle fut imaginée par ses fondateurs et continue de vivre et de créer aujourd’hui. L’Île d’or, pourtant, prend garde de révéler avec trop de netteté quel équilibre est instauré entre les trois éléments, et à quoi cette combinaison aboutit. Quelques hypothèses peuvent dès lors être émises.
« Le théâtre est toujours historique d’une certaine façon2. » « Le Théâtre du Soleil me paraît toujours historique, et je crois que le grand théâtre est historique3... » Chez Ariane Mnouchkine, le propos a quelque chose du leitmotiv. Ceci n’est pas pour étonner le spectateur qui se souviendrait que 17894 et 17935 furent les deux premières créations à voir le jour à la Cartoucherie de Vincennes, respectivement en 1970 et 1972. Elle ne surprendrait pas non plus ceux qui ont pu voir les pièces historiques de Shakespeare, dans les années 1980, ni sans doute, plus près de nous, Les Naufragés du fol espoir6, évocation du XXe siècle balbutiant à travers l’histoire du cinématographe et les prémices de la Première Guerre mondiale.
1789 (1970) – Au premier plan : le Conteur (René Parigniani). Au second plan : Louis XVI (Alain Salomon), entouré de Louba Guertchikoff, Anne Demeyer, et Myrrha Donzenac © Gérard Taubman
L’affirmation pourrait cependant apparaître plus discutable en ce que la troupe du Soleil s’est progressivement saisie d’événements plus actuels, traitant d’une histoire de plus en plus récente, immédiate même. On peut citer (parmi d’autres) L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk7 en 1985, sur le Cambodge postcolonial, La Ville parjure8 en 1994, dont le prétexte était l’affaire du sang contaminé, ou Le Dernier Caravansérail9, en 2002, sur ceux que l’on n’appelait alors pas encore couramment « migrants ». Alors même que le Soleil voyait donc sa vocation évoluer et son travail scénique prendre un tournant parfois qualifié de « documentaire10 », cette affirmation de l’ancrage historique de ses créations est demeurée avec la même permanence. D’autres affirmations, qui pourraient apparaître tout aussi vraies n’apparaissent pas avec la même fréquence : que le Théâtre du Soleil est un théâtre politique, par exemple, ou encore un théâtre de révolte, un théâtre guidé par un certain idéalisme également. Des évidences pour bien des spectateurs, qui n’apparaissent pourtant que rarement dans les discours entourant les créations du Soleil. L’affirmation de la dimension historique du travail effectué à la Cartoucherie revient, elle, avec la régularité d’un mantra.
Plus encore d’ailleurs qu’une simple dimension historique du travail théâtral, ou qu’une manière de traiter d’un point de vue historique un sujet, l’idée fondamentale qui guide le rapport entre le Théâtre du Soleil et l’histoire est, selon les mots d’Ariane Mnouchkine, que « le théâtre aide à se mettre dans l’Histoire11. » S’il faut en effet préciser une chose, c’est que le Théâtre du Soleil n’a jamais été pour autant un théâtre de reconstitution historique. L’enjeu demeure non pas de proposer un spectacle dont le rendu serait conforme à un certain modèle, mais bien, toujours, d’actualiser ce passé par le travail scénique.
Le but est toujours de proposer un récit crédible et efficace, apte à nous rapprocher de cette histoire, tout en la rendant elle-même transparente aux enjeux contemporains. Là se trouve d’ailleurs, un enjeu identifié dès 1789, et relevé comme une difficulté, dictant notamment le choix du sujet lui-même : « pourquoi pas Jeanne d’Arc ou Philippe le Bel ? » se demande alors Ariane Mnouchkine. Parce que, contrairement à ce que permettait le thème de la Révolution française pour la troupe en 1970, une telle pièce aurait imposé « l’obligation, pour la faire comprendre et la rendre lisible à notre époque, de la tordre complètement12. » Là se présente donc un souci permanent non seulement de se mettre, mais de mettre le public lui-même dans l’histoire, et donc, au fond, un souci de vérité plus que d’exactitude, d’une façon qui se vérifie tout au long de la démarche d’élaboration – de façon évidente, par exemple, sur les costumes, qui ne font pas l’objet au Soleil, y compris pour des scènes et personnages historiques, d’une pure recherche d’authenticité à partir de sources, mais d’une élaboration conjointe entre les comédiens et l’équipe de création des costumes, tout au long de l’élaboration du spectacle et de ses personnages13.
Le Théâtre du Soleil est donc un théâtre historique qui traite de l’histoire pour la rendre la plus vraie possible, sans viser à la reconstituer. Cette même histoire peut d’ailleurs être aussi bien ancrée dans un passé lointain, que quasiment immédiate. Plus encore, les créations n’hésitent pas à établir des liens entre périodes, voire à opérer des allers et retours entre les temps sur scène, à perturber les chronologies, plus encore dans les années récentes. C’est en cela que se distinguent notamment les plus récentes pièces. À l’enchâssement assez classique de deux récits, l’un encadrant l’autre, dans Les Naufragés14, a ainsi succédé ainsi un enchevêtrement de plus en plus poussé dans Une chambre en Inde ou encore dans Kanata. Mis en scène en 2018 par Robert Lepage, cette création relisait un fait divers (les assassinats en série de Robert Pickton, arrêté en 2002) à la lumière du passé colonial canadien et des orphelinats autochtones, histoire qui irriguait le récit, les répétitions et improvisations fournies sur ces sujets n’ayant pour la plupart pas été intégrées au spectacle final mais en constituant le sous-texte. La question de l’histoire et de la manière de se « mettre » au milieu d’elle tout en traitant d’enjeux contemporains aboutit donc à l’établissement d’un dialogue de plus en plus riche entre époques, passé lointain et proche, voire, comme dans Une chambre en Inde, la dimension immémoriale du mythe. De même, la forme théâtrale fait perpétuellement dialoguer tradition, courants récents, et inventions propres au Soleil. Après les irruptions du terukkuttu dans Une chambre en Inde, pour L’Île d’or, l’idée du festival permet de décliner une véritable anthologie des théâtres de toutes époques, asiatiques ou occidentaux. Par ce biais, le Soleil nous plonge cependant bien dans les tourments les plus actuels du monde, ainsi à la fois mis à distance et ressaisis sous la forme du drame, par la forme théâtrale.
Cette idée selon laquelle le processus théâtral aurait intégralement part à la notion de vérité historique, à l’établissement d’une « histoire vraie », est abordée ouvertement, et comme un combat d’essence politique dans L’Île d’or, par l’hommage appuyé à un certain nombre de causes, et à trois figures singulières : Lu Xiaobo, Tetsu Nakamura, Li Wenliang15. Dans le programme, Hélène Cixous égrène ces trois noms. « Leur cause : la Vérité16 » dit-elle, soulignant que celle-ci a aussi ses « prophètes » – ou ses martyrs. Sur scène, le destin du docteur Li Wenliang, et ses révélations sur les débuts de l’épidémie, sont ainsi traités par de tristement comiques marionnettes à mi-chemin entre bunraku et guignol, qui leur font dans le même temps acquérir une force oraculaire.
On aurait tort de qualifier hâtivement cet aspect de simplement « commémoratif » – bien que la commémoration soit, aussi, une écriture de l’histoire. Ces hommages tendent plutôt à souligner en quoi le Théâtre du Soleil demeure « toujours historique » selon les mots d’Ariane Mnouchkine. Car ce rapport à la vérité signale une authentique démarche historienne. L’enjeu n’est pas seulement de célébrer les artisans d’une vérité menacée, contre les tisseurs de mensonges et les tyrans qui les propagent. Il est, aussi, de rattacher le spectateur à cette vérité, d’arrimer solidement à la fois le récit scénique et le public qui le reçoit à ces producteurs de vérité, pour établir, en somme, de quel récit nous participons, et de quel point de vue celui-ci est établi. « Exprimer le passé en termes historiques ne signifie pas le reconnaître “tel qu’il a réellement été” », ainsi que l’affirmait déjà Walter Benjamin, dans ses thèses sur le concept d’histoire. Cela signifie, en revanche, « s’emparer d’un souvenir tel qu’il apparaît [...] à l’instant du danger17 ». Par la chaise vide de Lu Xiaobo, par la marionnette du docteur Li, ce que fait vivre ou ce que ressuscite le Soleil, c’est bien cette « image irrattrapable du passé » qui, par le truchement de cette actualisation-incarnation, se fait reconnaître par notre présent – « comme désigné en elle18 » – alors même qu’elle menace de disparaître avec notre présent oublieux.
Dès lors s’instaure par le travail scénique un aller-retour permanent entre passé et présent qui finit par aboutir, dans un même geste, à l’actualisation du passé, et à l’historicisation du présent élevé au rang de récit historique : dernièrement, celui des attentats ou de la pandémie. Dans l’intervalle entre les deux se trouve le théâtre : celui des bateleurs dans 1789, des sectionnaires dans 1793, comme celui du terukkuttu dans Une chambre en Inde ou celui des artistes affluant au festival de L’Île d’or. La démultiplication et l’empilement des scènes dans cette dernière création vient ainsi tisser autour de l’opération historique réciproque entre présent et passé un réseau inextricable, qui finit d’ailleurs par fusionner à la fin de la pièce lorsque les moments de théâtre dans le théâtre illustrent l’intrigue politico-affairiste qui se trame. Le yacht d’où est commandité le projet immobilier devant détruire Sado apparaît ainsi à travers la représentation d’une troupe brésilienne de théâtre « socialiste ».
Loin d’instaurer de la confusion, de tels moments renforcent l’identification du moment théâtral à l’opération historique, les deux se confondant dans la temporalité particulière de la représentation. Le temps du théâtre représente vraiment le temps absent d’un passé qui, par essence, fait toujours défaut – y compris pour l’historien, comme a pu le souligner Certeau, et quelles que soient les éléments documentaires dont il peut disposer19. Dans le même temps, cette représentation met à distance le présent pour mieux le rendre, à son tour, présent. Tout au long du récit est dès lors instauré comme seul temps pertinent celui du théâtre lui-même édictant « sa » vérité – et cela était, déjà, le message central d’Une chambre en Inde – tout en garantissant la correspondance entre passé et présent.
Ce questionnement sur le positionnement du théâtre entre temps historique et temps présent n’est pas spécifique à Ariane Mnouchkine, mais il la préoccupe, et depuis longtemps. Le Soleil a, déjà, proposé dans les années 1970 une création éclairant le présent (celui de l’époque) à travers la forme théâtrale et son histoire, et tout particulièrement la commedia dell’arte. Ce spectacle, L’Âge d’or (1975), qui forme une sorte de triptyque avec les deux pièces sur la Révolution qui le précédèrent20, montre plusieurs affinités avec L’Île d’or. Il était également né des réflexions bien plus anciennes de Jacques Copeau, cité par Ariane Mnouchkine dans le programme de L’Âge d’or : « Sommes-nous les représentants d’un irréparable passé ? Sommes- nous au contraire les annonciateurs d’un avenir qui se peut à peine discerner à l’extrême limite d’une époque finissante21 ? »
L’Âge d’or, première ébauche à la Cartoucherie (1975) © Denis Bablet
Cette spécificité « interstitielle » de l’opération historique réalisée au théâtre comme mise en rapport du passé et du présent par la scène et ses formes ne se comprend, par ailleurs, qu’en saisissant précisément les implications de cette logique théâtrale de la représentation. Le théâtre consiste en vérité en bien plus qu’en une simple « représentation » qui ne signale guère qu’une relation entre signe et signifié. On sait combien les origines du théâtre sont religieuses : cela est vrai du théâtre occidental et de ses racines grecques, comme de la plupart des grandes traditions théâtrales – en particulier en Inde, ou au Japon. Plutôt que de représentation, Aristote parle simplement de mimésis, d’imitation22. À ce procédé répond la catharsis qui en résulte, véritable opération de purification par la purgation des passions – les implications religieuses sont, là aussi, tout à fait claires. En cela, le théâtre demeure le lieu d’un moment mystique, celui d’une double opération historique d’actualisation (du passé) et de distanciation (du présent), qui est aussi un moment d’incarnation et de désincarnation23. Cette opération historique et mimétique vient mettre en rapport le « corps » absent du récit historique, mythique, et le corps ecclésial bien présent dont elle suspend la présence : le présent collectif du public, l’en-dehors du théâtre que la mimésis met momentanément à distance, dont elle suspend la présence tout en le rejetant à son tour parmi les mythes. Aussi pourrait-on aussi bien, pour souligner la nature mystique du moment théâtral, le désigner aussi comme eucharistique. Du moins la forme théâtrale permet- elle l’actualisation-mythification entre passé et présent, la mimésis établissant son propre régime de vérité simultanément par incarnation de l’absence et désincarnation du réel – et ce rituel théâtral ne trouverait pas son accomplissement sans sa réception, la manducation publique de l’objet-théâtre, condition à la catharsis qui en est la finalité.
Or c’est dans ce même interstice, ce même écart de la représentation où peut s’accomplir l’opération historique toute particulière au théâtre, que peut aussi s’insinuer l’utopie. Certes, si l’on peut penser – comme Ariane Mnouchkine – que le théâtre soit toujours historique, il serait plus difficile d’affirmer qu’il est toujours utopique. Dans L’Île d’or, l’utopie est cependant revendiquée, et avec une forme d’urgence par Hélène Cixous, réclamant « tout ce qu’il faut pour faire paradis, égalité entre les sexes, culture des arts, création d’une langue... » Ce lien établi au sein de L’Île d’or entre l’opération historique du théâtre et l’utopie n’est ni hasardeux, ni totalement nouveau. Pour le Soleil, le théâtre se mêle souvent à l’utopie. On pense aux mots de Saint-Just choisis comme sous-titre pour 1789 : « La révolution doit s’arrêter à la perfection du bonheur ». La révolution mise en scène par Ariane Mnouchkine était d’essence utopique – et c’était là d’ailleurs sans doute une raison d’être du spectacle. On pense encore, plus près de nous, aux Naufragés du fol espoir, qui enchâssait deux récits, celui d’une équipe de cinéma socialiste en 1914, et celui du film, d’après le scénario (inspiré de Jules Verne) d’une utopie fondée après un naufrage.
Les Naufragés du Fol Espoir, répétitions (2009) – Yuras (Seear Kohi) © Charles-Henri Bradier
L’utopie, en tant que forme, construction narrative, a directement à voir avec l’histoire. Cioran, il y a bien longtemps, avait deviné le lien originel du récit utopique avec l’Apocalypse. « Éliminez le ciel, conservez seulement la “nouvelle terre”, et vous aurez le secret et la formule des systèmes utopiques24 ». L’utopie, il est vrai, conserve en son cœur le projet d’un récit eschatologique. Le témoignage rapporté de lieux imaginaires, d’une société nouvelle, et d’une humanité autre, rédimée des injustices et cruautés qui partout en sont à la fois la malédiction et le principe, fonctionne bien, d’une certaine manière, comme « parousie dégradée, modernisée25 ». C’est que l’utopie est en vérité un mythe moderne, si l’on prend le temps de se pencher sur le mot et ce qu’il recouvre, aussi, d’ambiguïtés ou de contradictions : « mot fragile, mot sensible, mot qui file entre les doigts », mais aussi « mot disponible » – ce qui en fait aussi la force26. Plus exactement, elle est le retournement d’un mythe, en ce qu’elle rejette dans l’avenir le plus indécis un idéal originellement ancré dans le passé le plus retiré. Ce mythe antique, c’est celui de l’âge d’or, et on retrouve celui-ci dans L’Île d’or. Plutôt qu’Hésiode, c’est dans les Métamorphoses d’Ovide qu’Hélène Cixous pioche pour introduire la pièce : « D’abord luit l’âge d’or, qui sans loi ni police, / De lui-même honora la foi et la justice27... » C’est que l’utopie reprend, en le transformant, le mythe antique de régression, de perte ou de déchéance, et le convertit en autre chose, un mythe de conversion, voire de progrès – c’est-à-dire un parfait mythe moderne. Cette idée de l’utopie comme fin ne se trouve cependant pas chez Thomas More. Utopia (1516) est le récit d’un voyage imaginaire, le témoignage d’une cité idéale et coupée du monde, mais pas un programme politique. Le succès du texte entraîna une mode des utopies, tout au long du XVIIe siècle : La Cité du soleil de Tommaso Campanella, La Nouvelle Atlantide de Francis Bacon, Oceana de James Harrington reprennent ainsi la formule pour exposer, chacun à son tour, sa vision d’une société idéale, en un lieu inaccessible. En passant de l’Âge d’or aux utopies moriennes, le récit passe du passé mythique au présent imaginaire. Ce n’est que plus tard que l’utopie se mue en idéal éclairant l’avenir, voire – pour ses opposants – en projet irréalisable, en chimère28 : avec le socialisme utopique de Saint-Simon, Fourier, Owen au Royaume-Uni, ou encore le Que Faire ? de Tchernychevski, source de controverses en même temps que d’inspiration pour des générations de révolutionnaires russes.
Cette approche de l’utopie et de son positionnement chronologique – dans le passé lointain, ou dans un avenir rêvé comme réponse aux problèmes du présent – trouve un écho particulier dans L’Île d’or, qui aborde l’utopie par une extrémité nouvelle. Contrairement aux Naufragés, le havre de paix et de liberté présenté dans L’Île d’or apparaît plus authentiquement calqué sur le modèle de l’Utopia de Thomas More, que sur l’utopie révolutionnaire formée postérieurement à ce dernier. L’Île d’or nous révèle un lieu idéal et non un idéal à construire, un horizon à atteindre. Plus encore, la pièce est le récit d’une menace, celle de l’annexion de l’île au monde déchu – et l’on comprend dès lors combien importante est la référence à Ovide. L’île d’or, ce frêle paradis des artistes exilés, chassés de leurs patries, fuyant guerres et persécutions, est menacé à son tour par le projet d’y édifier un casino et de la soumettre au capitalisme mondialisé du divertissement.
D’une certaine façon, et tout en restant fidèle au concept d’utopie, du moins aux origines de celui-ci, le Théâtre du Soleil renouvelle son approche de la question dans L’Île d’or, en réaffirmant la nature historique de l’utopie. D’horizon espéré, l’utopie devient alors un héritage fragile, et le refuge des persécutés, lui-même menacé.
On peut avancer quelques tentatives d’explication à cette évolution, aboutissement d’une phase de l’histoire du Soleil qui occupe la dernière décennie écoulée. Dans cette période, cinq spectacles principaux ont fait vivre les nefs de la Cartoucherie : les Naufragés en 2010, puis Macbeth en 2014, Une chambre en Inde en 2016, Kanata en 2018 (mise en scène de Robert Lepage), et, donc, L’Île d’or. Au cours de cette même période, trois éléments sont venus marquer tout particulièrement la troupe, et ont été intégrés tous trois, diversement, à la nouvelle création.
Le premier, le plus évident, c’est la pandémie. Le spectacle, élaboré en 2020, a été plusieurs fois reporté en raison de la crise sanitaire, tout en intégrant au fur et à mesure des modifications profondes influencées en particulier par le contexte pandémique, jusqu’à sa création en novembre 2021. Parmi les idées initiales, une partie importante de la pièce devait se dérouler sur un yacht réunissant l’élite économique mondiale, venue assister aux Jeux olympiques de Tokyo. L’enjeu devait alors constituer dans la mise en scène de cette élite économique vivant dans une « bulle » plus ou moins affranchie des lois, tout en explorant, également, la présence souterraine des équipages, des domestiques, et – du moins peut-on le supposer – les thématiques de domination, d’oppression ou de rébellion à l’œuvre. Cette première idée apparaît d’ailleurs comme l’écho inconscient d’un roman de Jules Verne, L’ÎIe à hélice, publié deux ans avant l’écriture d’En Magellanie (source d’inspiration revendiquée des Naufragés). L’Île à hélice fonctionne comme le miroir d’En Magellanie et renverse l’utopie en faisant le récit d’une île artificielle pour milliardaires américains, et du destin de quatre musiciens français invités malgré eux à divertir ses habitants, et assistant aux tribulations et à la perdition finale de l’île. On prête parfois à Jules Verne des talents de visionnaire : L’Île à hélice acquiert une résonance particulière aujourd’hui, et s’avère étrangement similaire – jusque dans son dénouement – à quelques projets bien actuels et parfois mis au point, précisément, au cours de la pandémie29. Voilà du moins autour de quelle intrigue aurait pu s’organiser la création au Soleil, avant qu’un virus mondial ne vienne tout bouleverser, et que l’idée du festival ne fasse alors apparemment irruption, chassant le yacht dans une marge de la pièce. La problématique du capitalisme, de ses excès, de sa menace, n’en demeure pas moins toujours au centre de l’intrigue.
Le second élément qui a marqué les dernières années du Soleil c’est, avec Kanata, l’irruption pour la première fois d’une critique violente, d’une polémique même. Certes, le Théâtre du Soleil a déjà connu dans son histoire des critiques négatives, mais rien n’avait préparé la troupe à se voir visée par des accusations d’appropriation culturelle, principalement relayées dans la presse grand public québécoise, puis française. Ariane Mnouchkine ne voulait pas faire de cet épisode pénible le cœur du propos dans sa nouvelle création, mais L’Île d’or offre pourtant, d’une manière ou d’une autre une réponse. Cela apparaît, d’abord, par l’idée du festival, cette volonté de réunir sur l’île d’or – et sur la scène qui occupe la scène – tous les continents, toutes les nationalités, les traditions, les causes, les écoles. Ainsi se réalise sous l’œil du spectateur un tourbillonnant « théâtre-monde30 » où les acteurs de la troupe font vivre cette profusion bouillonnante, drôle, et parfois conflictuelle. La mémoire de Kanata et de la « controverse » autour de la pièce semble par ailleurs avoir sédimenté d’une autre manière, avec un sens brillant de l’ironie, à travers le personnage de Cornélia et la façon dont celle-ci imagine (ou hallucine) être au Japon. Dès lors, ce spectacle japonais se déroulant au Japon, mais où ne joue pas un seul comédien japonais, et où la forme très directement inspirée des formes japonaises sert un propos qui est, lui, hors de toute tradition théâtrale ou littéraire strictement japonaise, fonctionne tel un pastiche involontaire et incontrôlable, jusque dans l’élaboration apparente d’une langue : « je comprends tout » dit Cornélia surprise ; mais c’est que les fantômes de son imagination pratiquent l’anastrophe d’une manière systématique qui ne peut que rappeler la leçon du maître de philosophie à Monsieur Jourdain : « Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d’amour31... »
Enfin, le troisième élément qui affleure dans L’Île d’or pourrait être décrit comme « attente testamentaire ». En effet, depuis plusieurs années maintenant, chez les critiques, au sein du public, se répand de façon insistante à la Cartoucherie la question de la « dernière pièce » de sa directrice. L’Île d’or voit le retour de Cornélia, personnage dont la tendance à l’exaltation bouffonne, au ridicule, justifie qu’on y voie un double comique d’Ariane Mnouchkine. Sans doute y a-t-il de cela (quoique la même chose puisse être avancée à propos d’autres personnages) : la thèse est soutenue par le fait que le personnage soit atteint par le virus du Covid-19 et mêle ses hallucinations à la préparation de sa pièce, comme Ariane Mnouchkine qui avait annoncé s’en être rétablie lors de la première vague de la pandémie en Europe, en 2020, quand la troupe élaborait cette nouvelle création. Ce double apparaît cependant, surtout, comme une manière de rejeter cette question testamentaire, cette attente d’une œuvre « définitive », d’une pièce qui résumerait soixante années de travail, du spectacle « point final » – que certains, déjà, évoquaient lors du « retour au source » shakespearien en 2014, puis pour Une chambre en Inde, et pour le « passage de témoin » à l’occasion de Kanata.
On peut comprendre à partir de ces quelques éléments que l’utopie de L’Île d’or renoue avec Thomas More plutôt qu’avec les appels au changement. L’utopie d’un nouveau monde s’est muée en utopie d’un refuge, comme par prise de conscience d’un âge d’or dont les vestiges seraient désormais à protéger. On pourrait dès lors ne voir dans ce spectacle qu’une forme de désenchantement. Du moins ne masque-t-il pas son inquiétude. Face aux tragédies trop réelles de notre temps, ne sont souvent opposés que l’ironie ou le burlesque, réflexes avant tout défensifs. C’est pourtant d’abord une persistante ambiguïté qui caractérise la pièce. La structure de L’Île d’or est, certes, complexe, profuse, tourbillonnante jusqu’à l’excès. Chaque instant de théâtre dans le théâtre n’est jamais qu’une répétition, toujours brève, interrompue ; toujours, l’artiste est pressé par le temps, prié de céder sa place. Cette construction faussement relâchée impose d’autant mieux au spectateur une forme de vertige, un rythme qui, parfois, semble faire obstacle à la compréhension même, comme pour mieux produire l’effet des événements même qui sont évoqués sur scène, et de leur enchevêtrement – Hong Kong, l’Afghanistan, la Palestine, le Brésil, etc., et, toujours, la pandémie. Jacques Derrida il y a vingt ans déjà, soulignait à propos du 11 septembre : « l’événement, c’est ce qui arrive et en arrivant arrive à me surprendre, à surprendre et à suspendre la compréhension. [...] L’événement, c’est d’abord que je ne comprenne pas. »
Face à l’impensable de l’événement, qui domine toute temporalité sociale ou politique, L’Île d’or présente comme seule utopie le refuge d’un âge d’or fragile. Cette ambiguïté voulue et cultivée entre utopie et désenchantement, on la retrouve enfin à travers la chanson dont la place grandit au fil du spectacle avant de le conclure : We’ll meet again. Le chant de résistance et de combat pour les Britanniques pendant la seconde Guerre mondiale, avait été remis à la mode par Élisabeth II comme chant de résilience pendant le confinement. L’espoir qu’il dessine n’est toutefois pas dépourvu de questionnements. Nous nous retrouverons : mais où ? Don’t know where... Mais quand ? Don’t know when... On ne peut guère plus oublier, après les nombreuses évocations d’un contexte souvent rapproché de la guerre froide, l’une des plus fameuses citations de cette chanson, par Stanley Kubrick, comme conclusion apocalyptique de Docteur Folamour (1964). Une nouvelle fois, L’Île d’or cultive l’ambiguïté entre l’espoir d’une utopie, et l’ironie féroce face à la menace, peut-être irrésistible, de la submersion.
Le Théâtre du Soleil a toujours été présenté, par Ariane Mnouchkine, par ses membres, comme par ceux qui en parlent ou qui l’étudient, comme une utopie lui-même, avec sa gestion coopérative, sa stricte égalité salariale. L’utopie dans sa pleine portée révolutionnaire, c’est-à- dire le « possible non encore réalisé32 ». Et l’utopie, passant parfois, plus ou moins ouvertement dans les pièces du Soleil, a pu faire penser à une troupe se représentant elle-même, transformant en théâtre sa propre vie de troupe. Cela a pu être dit, par exemple, à propos de Molière – et par Ariane Mnouchkine elle-même33 – ou à propos des Naufragés. « Régulièrement la troupe rejoue son autobiographie collective [...] En montrant sur scène ce qu’elle vit, la troupe se sur-vit34 », selon les mots de Bruno Tackels.
Le théâtre consiste toujours, d’une certaine manière, en la création d’un espace particulier, un espace autre, interstitiel, par laquelle s’opère en particulier une opération d’essence historique. Cela ne signifie pas que le théâtre se propose forcément comme utopie. Dans une conférence prononcée en 1966, Michel Foucault avait proposé le concept d’hétérotopie pour désigner, non pas ces « emplacements sans lieu réel » que sont les utopies (littéraires, philosophiques) comme perfectionnement ou « envers de la société », mais « des lieux réels, des lieux effectifs [...] qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effectivement réalisées », des « lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables35 ». Le théâtre faisait assez logiquement partie des exemples cités par Foucault, à côté de lieux de crise ou de déviation (la clinique, la prison, le cimetière). Par les lieux qu’elle fait se succéder sur le rectangle de la scène, le théâtre met en œuvre le pouvoir de l’hétérotopie « de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces », mais aussi celui d’une rupture absolue avec le temps traditionnel, extérieur, dimension « hétérochronique » de l’hétérotopie que l’on retrouve aussi, dans un arrangement différent, au musée, dans une bibliothèque, ou dans certains espaces de loisirs36. De façon générale, l’hétérotopie a pour fonction « de créer un espace d’illusion qui dénonce comme plus illusoire encore tout l’espace réel ».
L’Île d’or (2021) L’arrivée de la troupe des marionnettistes guidée par le maître Daigoro (Duccio Bellugi-Vannuccini), accompagné de gauche à droite par Yoshi, le disciple (Vincent Mangado), Kieki, la soeur aînée du maitre (Juliana Carneiro da Cunha), et Sachiko, la soeur cadette (Nirupama Nityanandan) © Michèle Laurent
Il est à noter, d’abord, que le navire aussi, « morceau flottant d’espace, lieu sans lieu » est pour Foucault un exemple remarquable d’hétérotopie, voire « l’hétérotopie par excellence ». L’opposition de l’île d’or et du yacht doré devient alors, plus clairement encore, affrontement entre deux hétérotopies antagonistes – hétérotopie d’une société égalitaire, créatrice, joyeuse, contre hétérotopie du libéralisme invasif, asphyxiant et meurtrier. Mais, sous l’île d’or – et derrière L’Île d’or – c’est le Théâtre du Soleil lui-même qui apparaît comme la réalisation ultime de l’hétérotopie théâtrale. L’hétérotopie comme espace hors de l’espace et temps hors du temps : voilà, d’une certaine façon, une définition de la troupe elle-même, par les choix marqués et progressivement accumulés qui en font la culture dramatique et visuelle depuis les origines – on pense aux masques, ou aux décors et plateaux sur roues, deux éléments que l’on retrouve dans L’Île d’or. Le reflux apparent de l’utopie, dans cette nouvelle création, depuis la foi en un horizon changé, en un monde nouveau, fondamentalement révolutionnaire, vers un modèle fragile et menacé, n’est pas un reniement. Ce refuge à protéger face aux menaces de l’envahissement et de la perte, c’est bien sûr celui du théâtre, de l’art, de la liberté artistique, de la création, du rêve, et plus précisément celui du Soleil. Ariane Mnouchkine et sa troupe semblent soucieux de ne surtout pas nous rassurer, de ne pas nécessairement proposer, comme il y a dix ans, « l’avènement d’une société nouvelle37 », et peut-être de perdre un peu de ce que l’optimisme a parfois d’aveuglant. Mais le choix n’est pas pour autant celui de la résignation ou du pessimisme ; la lueur du Soleil n’en est pour autant pas moins obstinée. Du théâtre comme phare au théâtre comme île, le Théâtre du Soleil se présente et se représente comme hétérotopie : un contre-modèle dans lequel il ne tient qu’à celui qui regarde de voir, s’il le souhaite, un chemin tracé.
Le théâtre, l’histoire, l’utopie – À propos de L’Île d’or, Julien Le Mauff, décembre 2021
1 Discours de réception du Goethe-Preis de Stuttgart, prononcé depuis Sadogashima, 20 août 2017.
2 Entretien avec Catherine Ailloud-Nicolas, 18 novembre 2013, dans Côté Cour Côté Jardin, Comédie de Valence, n. s., n° 1, saison 2013-2014.
3 Entretien enregistré le 30 mars 2018, url : youtube.com/watch?v=P8gWawBdySU.
4 1789. La révolution doit s’arrêter à la perfection du bonheur, création collective du Théâtre du Soleil, mise en scène d’Ariane Mnouchkine, création au Piccolo Teatro (Milan), 11 novembre 1970.
5 1793. La cité révolutionnaire est de ce monde, création collective du Théâtre du Soleil, mise en scène d’Ariane Mnouchkine, création à la Cartoucherie (Paris), 12 mai 1972.
6 Les Naufragés du fol espoir (Aurores), création collective du Théâtre du Soleil « mi-écrite par Hélène Cixous », mise en scène d’Ariane Mnouchkine, création à la Cartoucherie (Paris), 3 février 2010.
7 L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge, d’Hélène Cixous, mise en scène d’Ariane Mnouchkine, création à la Cartoucherie (Paris), 11 septembre 1985.
8 La Ville parjure ou le réveil des Érinyes, d’Hélène Cixous, mise en scène d’Ariane Mnouchkine, création à la Cartoucherie (Paris), 18 mai 1994.
9 Le Dernier Caravansérail (Odyssées), création collective du Théâtre du Soleil, mise en scène d’Ariane Mnouchkine. Première partie, Le Fleuve cruel : création à la Cartoucherie (Paris), 2 avril 2003. Deuxième partie, Origines et destins î création la Cartoucherie (Paris), 22 novembre 2003.
10 Voir Bruno Tackels, Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil, Besançon, Les Solitaires Intempestifs, 2013, p. 63- 74.
11 Entretien avec Mona Chollet, Charlie Hebdo, 23 février 2000, version longue sur Périphéries, url: peripheries.net/article192.html.
12 Entretien avec Antoine Casanova, Richard Demarcy et Jacques Poulet, La Nouvelle Critique, n° 45, 1971.
13
14 L’enchâssement est même triple : de nos jours (récit 1), une doctorante travaille sur les origines du cinéma populaire et amène la narratrice à évoquer les souvenirs de son grand-père à l’été 1914 (récit 2), époque de la réalisation du film sur les naufragés (récit 3).
15 Lu Xiaobo et Li Wenliang font l’objet de scènes explicites, tandis que Tetsu Nakamura est évoqué par Hélène Cixous dans ses notes de programme.
16 Hélène Cixous, notes de programme.
17 Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire, trad. fr. Olivier Mannoni, Paris, Payot, 2017, p. 60.
18 Ibid., p. 59.
19 Michel de Certeau, « L’opération historique » dans Jacques Le Goff et Pierre Nora, Faire de l’histoire, rééd. en 1 t.,
Paris, Gallimard, 2011, p. 17-66.
20 Anne Neuschafer, « 1970-1975 : écrire une comédie de notre temps », mai 2004, url : https://www.theatre-du- soleil.fr/fr/a-lire/1970-1975-ecrire-une-comedie-de-notre-temps-anne-neuschafer-4247.
21 Jacques Copeau, Appels, registre I, Paris, Gallimard, 1974, cité par Ariane Mnouchkine, notes de programme, reprises dans L’Âge d’or. Première ébauche, Paris, Stock, 1975.
22 Aristote, Poétique,
23 Michel de Certeau, La Fable mystique,
24 Emil Cioran, Histoire et utopie, Paris, Gallimard, 1960.
25 Ibid.
26 Thomas Bouchet, Utopie, op. cit., p. 47.
27 Ovide, Métamorphoses, livre I, trad. Olivier Sers, Paris, Les Belles Lettres, 2019.
28 Voir Thomas Bouchet, Utopie, Paris, Anamosa, 2021.
29 Par exemple le Satoshi, projet d’utopie libertarienne offshore conçu par quelques pionniers des cryptomonnaies. Voir Sophie Elmhirst, « The disastrous voyage of Satoshi », The Guardian, 7 septembre 2021, url : theguardian.com/news/2021/sep/07/disastrous-voyage-satoshi-cryptocurrency-cruise-ship-seassteading.
30 Voir J. Le Mauff,
31Le Bourgeois gentilhomme, II, 4.
32 Ariane Mnouchkine, citée par Béatrice Picon-Vallin, « 1964 », texte paru en 2014 dans la brochure des célébrations nationales du Ministère de la Culture et de la Communication à l’occasion des 50 ans du Théâtre du Soleil url : www.theatre-du-soleil.fr/fr/a-lire/1964-beatrice-picon-vallin-4149.
33 « J’ai eu l’idée d’entreprendre Molière pour signifier à tous ce qu’était la vie d’une vraie troupe. » Sophie Benamon, « Molière. L’Émoi Soleil », Première Classics, juillet-septembre 2020, p. 106-117, citation p. 110.
34 P. 38
35 Michel Foucault, « Des espaces autres », repris dans Dits et écrits, éd. Paris, Gallimard, coll. « Quarto », t. 2, p. 1571- 1581.
36
37 Jean Jaurès, cité au cours de l’entretien « Ariane Mnouchkine et la lueur obstinée du Soleil ».