Cérémonie chamanique, Paris Nanjang 2015 © Photo François Guenet
Ariane Mnouchkine : Quand je l’entends jouer, je me dis parfois c’est comme si les hommes qui étaient chamanes avaient su entendre le battement de la terre ou la battement des étoiles. C’est vrai que c’est une musique, quel que soit l’état dans lequel on est, quand on l’écoute, et c’est ce que dit le public — presque tout le monde le dit — « ça m’a fait du bien », « ça m’a donné des forces », « ça m’a remis », « ça m’a massé le cœur », m’a dit quelqu’un, certains disent que c’est orgasmique… Ce que je voulais savoir, plus concrètement, c’est qu’est-ce qui différencie une musique chamanique d’une simple musique populaire ?
Kim Duk-Soo : En réalité, tout provient de la tradition chamanique. C’est au fond une question de séduction. Tout artiste séduit son audience. Ce qu’on entend généralement en Occident par « tradition chamanique », est surtout cette émission d’ondes qui fait ressentir de l’énergie, de la force, de l’espace… La séduction c’est ce que le musicien exerce à travers sa musique, le danseur à travers sa danse, Ariane Mnouchkine à travers sa mise en scène. Que ce soit un musicien ou un danseur, que ce soit Ariane, tous captivent le spectateur et le tiennent en haleine. Au-delà d’un certain niveau, je pense que tous se comprennent mutuellement, que tous se fondent en un.
Ariane Mnouchkine : Selon lui, c'est simplement une question de niveau ?
Kim Duk-Soo : C’est sûr qu’au delà d’un certain niveau, le chamanisme est aussi séduction. Dans ce sens, le médecin aussi bien que le politicien sont des chamans. Mais il faut que l’on transmette une énergie positive, dans l’intention d’aider les gens.
Théâtre du Soleil – février 2000
* Extraits des films : Kim Duk Soo, master class au Théâtre du Soleil et Kim Duk-Soo, « Puri et Nori » au Théâtre du Soleil, réalisation V. Bataillon (Bel Air Media, Mezzo, TV10 Angers, 2000)
Kim Duk-Soo pendant le rituel chamanique, Paris Nanjang 2015 © Photo François Guenet
Ariane Mnouchkine revient sur sa rencontre avec le SamulNori, avant la création de Tambours sur la digue d’Hélène Cixous (Extrait)* :
En Corée, j’ai retrouvé un ami, Junho Choe, que j’avais rencontré à Avignon en 1998 (alors que l’ensemble de Kim Duk-Soo y jouait un spectacle qui s’appelait Les Coréennes), et il y avait un festival absolument magnifique, avec de très vieux maîtres qui dansaient ou chantaient ou jouaient pour ainsi dire pour la dernière fois, c’était absolument bouleversant. C’est à cette occasion que j’ai également retrouvé Kim Duk-Soo, j’ai été voir ses classes, et la façon dont il enseignait, et à nouveau j’ai trouvé cela extraordinaire. À nouveau, l’énergie quasi thérapeutique qu’il y a dans sa musique, « l’épisme », l’historicité, l’héroïsme, la légende qui court dans ces percussions-là m’a frappé, et je me suis dit que j’aimerais que les comédiens apprennent…
Théâtre du Soleil – février 2000