Kaboul, avril 2010, petit compte-rendu de stage par Caroline Panzera.
Nos 15 jeunes compagnons de troupe du Théâtre Aftaab travaillent depuis octobre 2009 à mettre en pratique tout ce qu’ils ont pu apprendre lors de leur séjour en France. Ils sont devenus plus forts et plus grands, ils ont appris à véritablement fonctionner en troupe, et ils prennent des décisions collectives.
Conscients du privilège qui est le leur d’avoir pu rencontrer le travail et le fonctionnement du Théâtre du Soleil, ils entreprennent, depuis le mois de novembre 2009 de rencontrer d’autres troupes de théâtre de Kaboul pour imaginer avec elles comment faire naître un public de théâtre en Afghanistan. Ils militent pour un théâtre populaire, accessible à tous.
À l’issue de ces discussions, le Théâtre Aftaab comprend qu’aller à la rencontre de ce public à fidéliser est une part importante de sa mission : ils décident donc de jouer sur les places de villages et dans les cours d’écoles, ils ont besoin pour cela d’un spectacle léger, ils ont besoin d’une farce, ils choisissent de créer L’Avare de Molière.
Ils organisent alors leurs répétitions en désignant un metteur en scène, un assistant à la mise en scène et commencent le travail en improvisations. Nous restons en contact avec eux grâce à internet, mais très vite leurs questions autour du travail du metteur en scène deviennent de plus en plus pressantes. Même s’ils ont pu observer le travail d’Ariane Mnouchkine et d’Hélène Cinque de près, aucun d’entre eux n’a encore véritablement « mis en scène » à l’intérieur du groupe. C’est-à-dire que personne ne s’est encore mis en regard sur le travail, ni n’a tiré les fils qui surgissent au cours d’une improvisation. Il devient alors pour un temps impossible de les aider à distance, ils réclament un tuteur solide et concret sur lequel s’appuyer pour continuer à faire grandir leur « Avare ».
En avril, Ariane Mnouchkine décide donc de les rejoindre une nouvelle fois pour donner 10 jours de stage qui mettra à l’épreuve la question suivante : « Qu’est-ce que mettre en scène en respectant le travail collectif ? ». Le stage a lieu dans les jardins de la FCCS (Foundation for Culture and Civil Society), qui nous avait déjà accueilli en 2005 pour le stage qui avait vu naître la troupe. Petit retour aux origines.
Le travail est intense, Ariane décide de traverser la pièce avec eux pour les aider à faire surgir outre les personnages, leurs corps et leurs dessins, dans des situations concrètes et des lazzi… y chercher aussi la farce afghane. Les dix jours passent vite et la méthode de travail utilisée par le Théâtre du Soleil en création collective, qui consiste à filmer chaque improvisation, pour d’abord y revenir souvent et conserver une trace de ce qui surgit, se révèle pour eux aussi tout aussi efficace.
Ariane est aujourd’hui rentrée à Paris, le Théâtre Aftaab utilise maintenant sa propre caméra et a en main les outils nécessaires pour filmer son travail et nous le faire parvenir afin que nous continuions à les aider à distance.
Cette session de travail a aussi permis de mettre en place la prochaine rentrée de l’Aftaab à l’ENSATT (octobre 2010), et de faire le point sur les formations que chacun d’entre eux a choisi, depuis l’administration, en passant par la scénographie, le son, la lumière, les costumes, l’écriture, la mise en scène, et bien évidemment l’art dramatique. Grâce au précieux soutien de la Région Rhônes-Alpes et de l’Open Society Institute, nos jeunes artistes pourront poursuivre pendant un an cette formation d’excellence à Lyon.
Aujourd’hui, le Théâtre Aftaab termine le travail qu’il a mené cette année avec la chorégraphe Laurence Levasseur et continue ses répétitions de L’Avare. Hélène Cinque se rendra à Kaboul en juillet pour en accompagner sa première présentation dans des écoles et au Centre culturel français, si l’inauguration de ses nouveaux bâtiments est effectivement bien maintenue le 15 juillet.