2019 :
à Naples, Napoli Teatro Festival Italia ;
à Athènes, Athens & Epidaurus Festival ;
Retrouvez le détail de ces dates dans la carte autour du monde
Ottawa
Un tableau. Mystérieux et magnifique. Une Indienne. Du Canada. Une Autochtone. Un regard splendide, attirant, irrésistible. Une impératrice. Elle a un nom : Josephte Ourné. Le peintre aussi en a un. Joseph Légaré.
Un autre tableau de ce même Légaré : Paysage avec un orateur s'adressant aux Indiens. Cet orateur, on nous dit que c'est Edmund Kean, l'acteur, le théâtre même, tout de noir vêtu, comme un pasteur. Que fait-il là ? Devant un petit groupe de Hurons qui l'écoutent ? Colonise-t-il ? Prêche-t-il ? Récite-t-il du Shakespeare ? Envahisseur ? Bonimenteur ? Ou acteur ?
Est-il, ce qu'il est, un sacré coureur de jupons, qu'un public pudibond et hypocrite chasse un jour de sa seule patrie, la scène, et force à l'exil. Il ira, de huées en huées, et cela c'est vrai, tout comme le reste d'ailleurs, jusqu'au Canada, et au Canada jusqu'au Québec, et au Québec, toujours poursuivi par ses déboires féminins, jusqu'aux Hurons. Qui vont l'aimer, lui accorder le titre honorifique de chef et même lui offrir un nom : Alanienouidet. Ce qui voulait dire à peu près Flocons de neige tourbillonnant dans une rafale de vent et se voulait une description de son style de jeu.
Leyla Farrokhzad, la conservatrice du Musée, et Jacques Pelletier, commissaire de celui du Quai Branly, nous ont appris tout cela et, quoiqu'ils en pensent, n'en ont pas fini avec les portraits et les péripéties.
Colombie Britannique
Une forêt splendide et sereine. Une maison longue. Entrent des bûcherons. Hurlements des tronçonneuses.
Vancouver
Un quartier "populaire et sympathique", pensent Miranda et Ferdinand, une jeune artiste peintre et son compagnon, un jeune acteur plein d'enthousiasme, qui viennent d'emménager dans le loft de leur rêve, loué à prix d'or à une tenancière chinoise.
Où l'on fait connaissance du dit quartier. Le centre d'injections. Rosa, la travailleuse sociale, Tanya, l’héroïnomane. Le poste de police. Des femmes disparaissent. Autochtones, toutes.
Environs de Vancouver
Une porcherie. Un homme boit sa bière. Cris de ses cochons. Ils mangent.
Vancouver et la suite
Le théâtre dira comment mais sachons seulement que Tanya et Miranda se sont rencontrées et que cette dernière se sent des responsabilités. Sachons aussi que Tanya est une enfant adoptée et qu'elle parle persan avec sa mère adoptive. Le monde est petit, décidément. Et le serial killer tout proche. Et puis Tobie qui tente de faire un documentaire sur ce quartier ''si populaire et si sympathique''. Le théâtre dira comment. Et la controverse.
Ariane Mnouchkine
1er octobre 2018
Ariane Mnouchkine et Robert Lepage. Photo Michèle Laurent
Il fut un temps où les peintres, les sculpteurs, les écrivains, les chefs de troupes de théâtre se parlaient, s’estimaient et, sans s’aimer forcément, se comprenaient. Ils échangeaient leurs doutes et leurs tremblements. Leurs illuminations aussi, parfois. Et même, autour d’un verre ou de plusieurs, quelques tuyaux et secrets de fabrication. La rivalité n’excluait pas le compagnonnage. L’admiration provoquait une jalousie lucide et stimulante.
Kanata – Épisode I – La Controverse est issu d’une telle admiration. De cette parenté depuis longtemps constatée, puis aujourd’hui choisie, entre Robert Lepage et moi, Ariane.
Ce fut simple, au début. En 2014, une invitation enthousiasmée à travailler avec les acteurs et les techniciens du Soleil est acceptée avec tout autant d’enthousiasme et voilà que, pour la première fois de l’histoire du Théâtre du Soleil, le spectacle principal, le "vaisseau amiral" allait être dirigé par un autre metteur en scène que moi qui, depuis sa fondation, avais eu l’honneur, la fièvre et la joie de diriger les quelque trente spectacles de notre troupe (et qui, puisqu’on me pose la question, et si les dieux du théâtre m’en donnent les forces, ai bien l’intention de continuer à le faire quelques courtes années encore).
Ariane Mnouchkine, extrait d’une lettre au public du Théâtre du Soleil, 22 octobre 2018
Il existe une Transespèce humaine, ou plutôt humanimale, une population composée d’êtres qui sont de nature hospitalière, des vivants d’une étoffe que je trouve merveilleuse, toujours encore en tissage et en métissage. Leur nature échappe aux définitions territoriales, nationales, identitaires. S’ils ont pris leur source dans différentes clôtures, géopolitiques, s’ils sont « nés » afghans, chinois, miq maq, français, togolais, norvégiens, mapuches, féroïens, khmers, uruguayens, éthiopiens (à suivre…) ils ont par la suite transporté leur cours à travers pays et continents. En rencontrant bien d’autres et frottant leurs cervelles à ta cervelle, en s’exposant toujours, joyeusement, à bien d’autres, ouverts au risque de la surprise, ils sont ouverts, larges,
et toujours en métamorphose, passant d’un âge à l’autre sexe, octogénaires de trente ans, génies curieux, aventuriers des temps, résistant dans la pratique aux tentations paresseuses de l’Appartenance et du Propre. Ce ne sont pas des fantômes, ni des habitants des rêves. Ils ont des papiers. Ils obtiennent des visas. Mais naturellement, ils ne se prennent pas pour leurs papiers. Plutôt pour des poèmes, et toujours en traduction. Ils écoutent, ils ont l’oreille gourmande et la langue enchantée. Ces amis de l’amour plutôt que de la haine, vous les aurez reconnus, n’est-ce pas ?
Ce sont les Acteurs.
Hélène Cixous, pour le Théâtre du Soleil
13 septembre 2018