1972
Création collective du Théâtre du Soleil, mise en scène d'Ariane Mnouchkine, décor de Roberto Moscoso, costumes de Françoise Tournafond.
Création le 12 mai 1972 à la Cartoucherie.
15 novembre 1972 : reprise de 1789 en alternance avec 1793 à la Cartoucherie jusqu'en mars 1973.
102 100 spectateurs.
Après la chute de la royauté, en août 1792, pendant plus d'une année, dans ses assemblées de quartier, le peuple de Paris n'a pas seulement rêvé; il a aussi, par sa souveraineté, tout à coup découverte et conquise, connu et vécu le pouvoir.
"Un tel événement dans l'Histoire du monde ne s'oubliera jamais, car il a découvert au fond de la nature humaine une possibilité de progrès moral qu'aucun homme politique n'avait jusqu'à présent soupçonné"*
Les assemblées de quartier se tenaient souvent dans les églises ou anciens locaux publics qui pour un temps ne servierent plus au culteet à l'enseignement.
Ils deviennent des lieux de réunions où se concentraient tous les efforts d'imagination, de création, de communication et de fraternité, pour faire triompher la révolution.
Le peuple de Paris les aménagea en construisant des tribunes, des escaliers, des tables où prenait place le public des assemblées.
Nous voulons recréer, par le dispositif scénique, le même caractère d'investissement d'un lieu. Il ne s'agit donc pas de faire un décor, mais plutôt d'aménager la Cartoucherie en respectant l'architecture, et en se référant directement à l'Histoire par les nombreuses gravures de l'époque.
Les acteurs tentent eux aussi de raconter cette histoire mal connue : la vie quotidienne des sans-culottes dans les sections parisiennes (Paris était divisé en 48 sections).
Chaque comédien incarne un sans-culotte ayant une occupation bien définie : lavandière, brodeuse, artisan, commerçant... Les rapports quotidiens fraternels et révolutionnaire se transforment lorsque l'un d'entre eux raconte et joue un événement exterieur à la section.
"Même si le but poursuivi n'a pas été atteint, ces premières heures de liberté, en tant que témoignage philosophiqu, ne perdraient rien de leur valeur. Car cet événement fut trop immense, trop mêlé aux intérêts de l'humanité et d'une trop grande influence sur toute une partie du monde, pour que les peuples en d'autres circonstances ne s'en souviennent pas et ne soient pas ramenés à en recommencer l'expérience."*
Extrait du programme du spectacle.
* Emmanuel Kant, Le Conflit des facultés, 1797.
Pour mener sa réflexion au sujet de la démocratie populaire, le Théâtre du Soleil s’est emparé de la Révolution française, cet « événement trop immense, trop mêlé aux intérêts de l’humanité et d’une trop grande influence sur toute une partie du monde, pour que les peuples en d’autres circonstances ne s’en souviennent pas et ne soient pas amenés à en recommencer l’expérience », selon la formule d’Emmanuel Kant qui clôt le spectacle 1793. Pour Ariane Mnouchkine, 1789, la révolution doit s’arrêter à la perfection du bonheur est un spectacle de source médiévale parce qu’il met en scène la fin du Moyen Âge.
1793 doit être quant à lui un spectacle contemporain, « parce qu’il parle vraiment des débuts de notre société. »? En s’inscrivant dans une Cartoucherie devenue espace de liberté théâtrale, ces créations collectives invitent à réfléchir sur les utopies révolutionnaires et fondent ce rapport particulier du théâtre à l’histoire qu’a inventé le Théâtre du Soleil.
Joëlle Garcia. « 1793, la cité révolutionnaire est au Théâtre du Soleil », Études théâtrales, vol. 59, no. 1, 2014, pp. 114-126. Lire l'article en entier.
Acte constitutionnel du 6 messidor de l'an I (24 juin 1793) © BnF Gallica
Article Premier
Le but de la société est le bonheur commun: le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.
Article Dernier
Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.