du 09 novembre au 06 décembre 2015
Un spectacle de l'Équipe de Création Théâtrale
D'après « La Cerisaie » d'Anton Tchékhov
Chantier-Mise en scène Chantal Morel
Musique Patrick Najean
Scénographie et accessoires Sylvain Lubac
Avec : Marie Payen, Nicolas Struve, Line Wiblé
Pendant que l'Équipe de Création Théâtrale sera là avec son nouveau travail, seront aussi là deux autres travaux : Michèle Godet avec « À l'arrêt du 21 » de Serge Valletti et André le Hir avec « Ce que j'appelle oubli » de Laurent Mauvignier.
« Ils ne sont pas encore tous là… » : première le lundi 9 novembre, puis du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h (samedi 21 novembre et samedi 5 décembre à 15h et à 20h). Relâches les 14, 15, 17 novembre et le 1er décembre.
« À l'arrêt du 21 » suivi de « Ce que j'appelle oubli » : du 24 au 27 novembre puis du 2 au 4 décembre à 20h.
Holderlin et Tchékhov sont en chemin à nos côtés. Ne pas pouvoir dire, raconter précisément ce que le public découvrira quand il viendra… Cela est il empêchant ? Hormis pour le commerce, pas celui qui nous engage dans une relation auprès d’autrui, mais celui qui s’occupe de vendre des marchandises. Le théâtre n’est pas une marchandise qui se vend mais un instant de lucidité, un face à face qui n’est pas celui du miroir, mais celui d’une déviation vers l’incontrôlable, l’invérifiable… Quand vous viendrez nous aurons travaillé, travaillé à ce que se crée (ou s’éprouve) une faille, un présent, un infini, un moment, un écart. Nous serons sans doute loin d’avoir atteint cela, mais nous aurons tenté de toute notre âme de nous y diriger… Nous viendrons à vous, sans doute en tremblant, sans doute porteur de bribes, de fragments, loin d’une totalité. La refusant par prudence, par choix, par résistance... Pour que rien ne recouvre la richesse de la vie. Et que tout reste ouvert, anxieusement ouvert. Pour croire encore un peu, que le moment du théâtre n’est pas un moment décrit mais restitué dans sa vie même… « Au nom de la rationalité il faudrait faire abstraction de l’expérience vécue, de la souffrance, de la mort, de l’invérifiable, c’est-à-dire de tout ce que l’homme ne peut maîtriser, mais à quoi il est assujetti. »* Pour pouvoir éprouver encore la vaste liberté de la joie, nous ne sommes pas rationnellement en mesure de vous dire ce que vous allez venir voir.
Mais un chemin se trace. Il y a entre l’apparition de Holderlin et la présence de Tchékhov, une fraternité, celle du proche. Quelque chose ira de l’un à l’autre. De l’autre à l’un. Rendre proche. C’est Holderlin qui s’avance en vie et se nomme Friedrich, avec un petit nom Fritz, dont il se sert pour écrire à sa mère… Partir en quête d’une existence ordinaire, ce n’est pas l’abolition du génie, c’est sa restitution au peuple. Le signe divin est pour tous, le poète doit le répercuter dans le peuple.
Et dans Tchékhov, il y a la vie, juste la vie que l’on vit. Personne pour s’en retirer. Pour éprouver à la place de, penser à la place de, parler à la place de…
Une des origines de notre assemblée au travail est « La Cerisaie ». L’envie forte de travailler ce texte. Mais il n’y avait pas assez d’argent. Ne pas avoir assez d’argent, donc pas assez d’acteurs/trices pour « monter La Cerisaie » n’est ce pas une invitation à vivre notre métier sur un autre mode ?
« On a dit d’une réclame qu’elle était bien ou grandement "montée". Cela signifiait qu’on reconnaissait l’habileté commerciale et publicitaire dont elle témoignait, mais c’était en même temps une allusion au caractère exagéré, charlatanesque et surfait de l’offre. (…) Le verbe apparut tout à fait clairement comme péjoratif lorsqu’un critique de théâtre jugea que tel auteur avait "monté de toutes pièces" telle ou telle scène. Cela voulait dire que cet homme était davantage un technicien sans scrupule (et un séducteur du public) qu’un poète sincère.(…) Le 30 juin1933, Goebbels déclarait que la NSDAP avait "monté" une gigantesque organisation, de plusieurs millions, qui regroupait tout, le théâtre et les jeux du peuple, le tourisme sportif, les randonnées et le chant, et que l’État soutenait par tous les moyens ». **
Ce mot persiste dans son acception nazie : transformer le vivant en organisation, l’organisme en organisation. Les mots persistent à travers des régimes en apparence opposés.
Chantal Morel, septembre 2015
* « Dostoïevski lit Hegel en Sibérie et fond en larmes », Laszlo F. Foldényi
** « LTI, la langue du IIIe Reich », Victor Klemperer
La fille du 21 elle doit prendre le bus, elle est obligée car on l’attend, mais … comme elle est enceinte elle n’est pas sûre qu’il y aura une place assise Elle n’est sûre de rien d’ailleurs … Sa destination c’est St Méron , mais c’est où St Méron ? Elle connaît pas, elle est perdue Des voyages pourtant elle en a fait déjà ! Plein ! jalonnés de chausses trappes, de vilains regards, d’intentions malfaisantes ! Et faudrait supporter ça, encore ? Non ! elle ne veut plus ! alors elle demande juste un peu d’aide à ceux qui attendent comme elle Vous l’entendez, vous la voyez, elle est votre sœur qui attend !
Michèle Goddet
« Librement inspiré d’un fait divers survenu à Lyon en 2009 (un SDF se fait battre jusqu’à ce que mort s’ensuive par des vigiles dans les réserves d’un supermarché pour le vol d’une canette de bière), CE QUE J’APPELLE OUBLI propose une fiction-reconstitution de cette mise à mort insoutenable et les questions violentes qu’elle soulève. Laurent Mauvignier, auteur contemporain des plus vibrants et singuliers, donne ici à son geste d’écriture une puissance théâtrale évidente : un locuteur, dans le souffle d’une seule phrase, s’adresse au frère de la victime dans l’urgence et la nécessité de dire ce qui n’a pas été dit, en plaçant sa parole non pas sur l’horreur d’un tel acte mais en privilégiant au cœur du souffle de l’écriture heurtée, digressive, hésitante… la valeur de la Vie d’un Homme, quel qu’il soit. Nous sommes tous le frère de ce bouc sacrifié et le théâtre peut devenir le lieu d’une lutte rituelle contre l’oubli, d’une remise en vie, d’un hymne à la vie cabossée. »