Ainsi commence le récit que Z entreprend devant un petit magnétophone.
Après avoir longuement hésité, encouragé sans doute par quelques photos de son arrière-petit-fils qui viennent tout droit d’arriver d’Amérique, il se décide (enfin !) à raconter, par bande magnétique interposée, un souvenir gravé à jamais dans sa mémoire : l’étrange rencontre avec un père et son jeune garçon dans le wagon qui les emmenait vers les sinistres camps allemands. Et surtout l’extraordinaire volonté chez cet homme de profiter de chaque instant pour transmettre à son fils l’essentiel de ce qui aurait pu faire de lui un homme.
Ce récit serait sans doute insoutenable sans le talent poétique de Gilles Ségal.
Gilles Ségal a été l’étoile du mime Marcel Marceau, il a joué avec Jean-Louis Barrault au cinéma ou à la télévision. En tant qu’auteur, il a écrit de nombreuses pièces dont les plus connues ont été Le marionnettiste de Lotz mis en scène par Jean-Paul Roussillon ou encore Monsieur Schpill et monsieur Tippeton mis en scène par Georges Werler qui a obtenu deux Molière en 1996 (meilleur auteur et meilleur spectacle de théâtre subventionné).
« J’ai connu Gilles en 2006 à l’occasion d’une mise en scène de Oncle Vania de Tchékhov que j’ai monté dans un théâtre de verdure à Chantilly. Il jouait le vieux professeur Sérébriakhov. Il était magnifique.
En 2009, il a joué Fin de partie de Samuel Beckett dans une mise en scène de Charles Berling. Il sortait d’une poubelle et y restait dedans pendant toute la représentation. Il m’a dit à la sortie du théâtre : « j’aimerais bien ne pas finir ma carrière dans une poubelle ! »
Alors nous voici en 2010 prêts à jouer En ce temps-là, l’amour… C’est un texte qui lui tient très à cœur pour des raisons intimes. Il est bouleversant. Il est magnifique. D’une immense simplicité. La mise en scène est invisible, elle s’efface totalement derrière le jeu de l’acteur.
Jean Bellorini