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Le théâtre japonais sous le regard de l'Occident

Creuser l'enfer, c'est y engouffrer le ciel.
Pierre Emmanuel [1]

Tat vam Asi (« Tu es le Soi »).
Chandogya-Upanishad [2]

 

Toute culture « voyage » en empruntant des chemins multiples, directs ou de traverse, elle transforme le regard de ceux qui se posent sur elle et se transforme à son tour dans le creuset des lieux qui la reçoivent. Le théâtre voyage, et de manière évidente tout un pan de l'histoire du théâtre devrait être construit sur les bouleversements, les remises en cause ou en place, les ouvertures créées par les périples des comédiens, des troupes. L'impact des tournées internationales [3], une des traces au XXe siècle de la vocation du théâtre à l'itinérance, est double puisqu'à travers une rencontre artistique ponctuelle se produit celle de deux cultures nationales, étrangères l'une à l'autre, l'une source, l'autre cible, comme les désignent les traducteurs. Déplacée, la culture théâtrale « d'origine » provoque des phénomènes de contestation ou d'impact, renforce son identité spécifique, se dégrade ou s'enrichit dans le contact de l'autre qui l'interprète en la commentant, en commettant des contresens féconds ou stériles, en se l'appropriant en partie. Les modalités de ces « transferts culturels », où l'on peut décliner avec précision ce que recouvrent les concepts d'échange ou d'influence, sont nombreuses - adaptation, déformation, altération, imitation, transmission, assimilation, emprunt, citation, collage, greffe, imprégnation, transposition, hybridation, interaction [4]. Ils transforment l'idée que les deux cultures partenaires se faisaient l'une de l'autre et peuvent inciter à des collaborations plus étroites.

(...)

Au début du XXe siècle - mais cela a commencé avant -, ces mouvements culturels, véritables Révélations de l'Autre, se font intensément sentir. On pourrait proposer un raccourci saisissant pour contracter en deux dates liminaires cette saga d'une surprenante richesse où les formes ne restent jamais stables mais se métamorphosent en voyageant. 1900 : dans le cadre de l'Exposition universelle, la première apparition de SADAYakko [5], jeune transfuge du kabuki, méconnue au Japon, devenue monstre sacré en Europe, qui expose cet art adapté, modifié pour le goût occidental, et bouleverse Gide, Picasso, Duncan, Rodin, Klee, Mauclair, Appia, Craig, Meyerhold et bien d'autres. 1999 : Tambours sur la digue, la dernière création en date de la troupe du Théâtre du Soleil où Ariane Mnouchkine transforme à son usage les formes du bunraku et du nô pour distiller sa propre vision du théâtre oriental dans un spectacle profondément original qui tisse subtilement ensemble, en les accompagnant des sonorités d'un orchestre constamment présent, le pas glissé du nô, les mouvements saccadés des marionnettes, la lévitation de la poupée de bunraku, et les portés du ballet classique.

Orient/Occident, c'est sans doute sur cette ligne-là qu'ont lieu les plus nombreux « transferts » de l'histoire du théâtre européen au XXe siècle. « L'Orient pour le théâtre est une constante », reconnaît A. Mnouchkine [6] qui s'en est déjà inspirée pour ses grandes mises en scène de Shakespeare et des tragiques grecs. Mais elle ne doit pas occulter les autres, notamment celle qui se développe et perdure à partir de « l'efflorescence prodigieuse des Ballets russes » - le mot est de Marcel Proust. Durant les années dix, Serge Diaghilev invente, après avoir dans un premier temps fait venir la troupe du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg dans la capitale parisienne, un mode de création effervescent en faisant collaborer à l'étranger artistes russes déplacés et créateurs français. On ne doit pas oublier non plus comment Bertolt Brecht a, selon l'expression d'Antoine Vitez, « pris feu » en France après la tournée du Berliner Ensemble de 1954. Dans ces deux phénomènes d'ailleurs, l'Orient est présent sous des avatars opposés, celui de la couleur et de la luxuriance des costumes et des décors, et celui du jeu « distancié » que Brecht a observé chez les comédiens chinois. Il faut remarquer d'emblée que ces mouvements culturels se produisent souvent dans les deux sens, voire en même temps, et que la rencontre avec l'Autre peut paradoxalement amener à revenir à ses propres traditions oubliées. Ainsi, ITÔ Michio, venu à Londres pour étudier la danse, informe, à leur demande, Ezra Pound et William Butler Yeats sur le nô et ce sont ceux-ci qui en retour lui insufflent de l'intérêt pour ce nô qu'il dédaignait jusqu'alors... Ainsi, SANO Seki, jeune metteur en scène japonais au Toranku Gekijô, troupe militante prolétarienne, retrouve à Moscou, grâce à son maître russe Vsevolod Meyerhold, les secrets du théâtre kabuki [7]... Ainsi, et dans une configuration à relais, l'intérêt de l'Italie pour la commedia dell'arte est-il réanimé par la traduction du livre du Russe Konstantin Miklachevski, paru en France...
Ces opérations ont eu pour véhicules les livres (études, traductions), les images (œuvres plastiques, reproductions, photos), les témoignages oraux des passeurs-voyageurs et les tournées des théâtres dans les capitales. Le phénomène de l'exil, lié aux événements politiques (révolution, fascisme, stalinisme), développe une diaspora artistique russe et allemande, en Europe et en Amérique, qui sera le lieu de phénomènes complexes d'attraction et de rejets réciproques pour les deux parties en présence : aux difficultés rencontrées à Hollywood par Brecht qui ouvre cependant son écriture à la culture américaine [8], s'oppose le succès de la danse expressionniste allemande et la riche moisson des graines semées aux USA par les périples de Mary Wigman. La mobilité grandissante des hommes et des idées va intensifier et compliquer ces « transactions » artistiques. Avec ce qu'on appelle la « mondialisation », les tournées et les festivals ne représenteront que les moments les plus repérables, les plus visibles. Les contacts deviennent innombrables - voyages de travail incessants pour la plupart des artistes, colloques, ateliers, institutions de stages internationaux et autres « Écoles des Maîtres », diffusion par les médias, films, cassettes vidéo, CD-ROM et sites Internet.

Multiples, ces rencontres peuvent demeurer superficielles, mais elles atteignent parfois une intensité remarquable. Ainsi, ouvrant la porte d'un siècle nouveau, l'expérience-limite de Tambours sur la digue déjà évoquée, mais cette fois-ci vue de Tôkyô, lors de la tournée de septembre 2001: la création du Théâtre du Soleil (Taijô Gekidam) est perçue sur l'île nipponne comme un spectacle japonais, non pas à la japonaise. De jeunes metteurs en scène - comme jadis SANO Seki à Moscou au GosTIM - sont émus de s'apercevoir que, par la grâce et le travail de la troupe étrangère et lumineuse, ils « possèdent un trésor chez eux ». Mais davantage encore : un maître de bunraku qui réfléchit depuis trente-cinq ans sur son art, ancien de trois siècles, écrit aux acteurs de la troupe française qu'il a, par leur spectacle et son niveau artistique, découvert « une nouvelle partie de [lui-même], ébranlée au plus profond ». Il a senti « combien il [lui] reste à apprendre pour [sa] propre formation et pour l'expression de [son] art ». C'est à l'intérieur du processus de recherche qui l'anime dans le but de rapprocher le bunraku d'un public contemporain qu'il a été touché par la valeur que le Théâtre du Soleil a conférée à cet art : il avoue vouloir « en apprendre davantage auprès d'eux, sur leurs techniques dramatiques, leur expression corporelle et sur cette forme dramatique » [9]. L'opération de transfert culturel est ici particulièrement réussie et généreuse. Après un long et douloureux travail sans concession ni répit, la troupe occidentale réinjecte à un Japonais désirs et espoirs à l'égard d'une des formes les plus traditionnelles qui soit. Une tradition ne vit que si elle se transforme. C'était autrefois la leçon de l'Orient. Serait-ce aujourd'hui celle du Théâtre du Soleil, qui, après s'être approprié (pour la faire sienne) l'essence des traditions conservées, sur son plateau-carrefour du monde, est capable de les restituer au pays-source, pour en partager toute la profondeur avec lui?

 

LE THÉÂTRE JAPONAIS
SOUS LE REGARD DE L'OCCIDENT

Le Japon repose comme un groupe de nuages solidifiés au sein d'un océan sans borne.
Paul Claudel [10]

Ceux qui ont vu Sada Yakko souffrir et mourir, avec ses longs yeux, sa bouche peinte, son génie des expressions, ne l'oublieront pas plus que ceux qui ont vu Sarah Bernhardt.
Le Soir, 4 mai 1930 [11]

 

Mais revenons au début du XXe siècle. Débarquant d'Amérique, la troupe de KAWAKAMI Otojirô est une entreprise à destination de l'étranger. SADA Yakko y a remplacé au pied levé un onnagata [12] malade, et les morceaux sont choisis, aménagés [13]. L'opération de séduction réussit au-delà de toute espérance. Malgré ou peut-être en raison de la « supercherie », l'expérience est fondatrice, et elle marque les esprits durablement : « extraordinaire », « ravissement suprême », « merveilleux », les superlatifs ne manquent pas pour décrire le jeu de la petite SADAYakko, la « Réjane du Japon ». Avec le spectacle-culte de l'année 1900 dont la pièce maîtresse a pour titre La Geisha et le samouraï, l'Orient semble traverser de sa lumière de Soleil-Levant une Europe déjà préparée par la découverte des estampes de HOKUSAI et d'UTAMARO, leur mise en scène du vide et de la dissymétrie, ou leurs visages d'acteurs ; il apporte son théâtre radicalement autre, avec ses ralentis, ses rituels, sa sphère sonore. Le kabuki est à la fois récit, danse et musique ; mais, dans la mesure où le spectateur occidental ne comprend pas ce qui est dit et qu'il existe peu de traductions de pièces japonaises, il est perçu comme un art de la forme plutôt que du texte - on compare SADA Yakko à une « estampe animée ». « Là où la parole perd sa force expressive commence le langage de la danse. Dans l'ancien théâtre japonais, sur la scène du nô, où l'on joue des pièces semblables à nos opéras, l'acteur doit obligatoirement être aussi un danseur », écrit Meyerhold en 1909, et il évoque également SADA Yakko qui « envoûte » le public lorsqu'elle commence à se mouvoir selon la musique [14].
De 1907 à 1916, débarquant de New York, HANAKO (ÔTA Hisa) prend la relève et parcourt l'Europe de Paris à Moscou. Elle arrive en second, mais le bouleversement semble presque aussi fort, et Auguste Rodin la sculpte sous tous les angles pour comprendre les secrets de ce corps singulier, mince et robuste, habile, comme celui de SADA Yakko, à évoquer la mort. Une des cinquante œuvres de Rodin pour lesquelles pose HANAKO se nomme Tête d'angoisse de la mort [15]. En 1908, HANAKO joue en Allemagne où viendront par la suite nombre d'artistes japonais curieux des avant-gardes - expressionnisme, constructivisme...
Ce n'est pas à Paris mais à Moscou et à Leningrad que se produit triomphalement, en 1928, une authentique troupe de kabuki, celle d'ICHIKAWA Sadanji dont les acteurs fraternisent avec leurs frères en art de la troupe de Meyerhold, alors absent. Mais le Théâtre Pigalle accueille en 1930 une autre compagnie, constituée par ITÔ Michio autour de TSUTSUI Tokujirô [16], qui, comme celle de KAWAKAMI, débarque en Europe (France, Angleterre, Belgique) en provenance d'Amérique [17]. Et c'est encore ce théâtre-là, adapté pour l'œil occidental, donc frelaté, qui représente un jalon pour Meyerhold en mai 1930, alors qu'il se trouve à Paris pour préparer sa tournée de juin.
L'étude des textes ou la connaissance directe ? L'accoutumance progressive par le falsifié ou la rencontre avec l'authentique ? La rêverie sur les images ou l'entraînement à partir des techniques, aujourd'hui permis par la circulation facilitée des personnes ?

Tout va jouer dans cette connaissance lente et progressive de l'Autre, qui remet en question les idées reçues, et conduit du choc de la découverte à la compréhension en passant par un processus d'appropriation où les poètes, comme Paul Claudel, et les historiens tiennent un rôle important. Meyerhold, quant à lui, « apprend » le théâtre japonais dans les ouvrages historiques et sur les images, ou en traduisant de l'allemand « Terakoya », un épisode de Sugawara denju tenarai kagami [18], pièce de TAKEDA Izumo II. Cette démarche de recherche semble aussi importante que l'impact du spectacle. Bien qu'il avoue en 1931 : « Je connaissais le théâtre kabuki de façon théorique [...], mais quand j'ai enfin assisté à un des spectacles, il m'a semblé que je n'avais rien lu, que je ne connaissais rien de lui [19] », la connaissance livresque, qu'a précédée la révélation donnée par SADA Yakko, a été productive. Le rôle du kabuki dans la conception de sa théorie du grotesque puis du réalisme musical est essentiel. Et dans le spectacle-laboratoire Le Professeur Boubous en 1925, il applique les principes que l'étude lui a permis de saisir en profondeur. On ne comprend que ce qu'on cherche, ou ce qu'on est sur le chemin de trouver.
En France, de par son étrangeté et son grand éloignement d'une scène qui se fonde sur des traditions textuelles, le théâtre japonais fascine. Le kabuki, qu'on nomme d'abord de manière imprécise mais familière « pantomime japonaise » - avant de le désigner par son nom pour enfin l'identifier clairement -, frappe par son réalisme et sa convention mêlés, par la combinaison du décoratif et de l'observation précise de la réalité, par sa violence, voire sa « férocité ». Et les Français tentent de s'y mesurer. En 1911, Lugné-Poe monte au Théâtre de l'Œuvre L'Amour de Kesa (adaptation de Robert d'Humières) pour lequel il rassemble une troupe disparate, sans connaissance technique spécifique, chacun ayant « son » Japon en tête, et le spectacle est construit sur une reconstitution exotique, une imitation non créative. La critique le souligne, elle vit encore dans le souvenir de la même pièce présentée par les KAWAKAMI en 1900. Firmin Gémier joue en 1927 Le Masque, adapté par Albert Maybon [20], dans des décors de Foujita ; il a confié la mise en scène à un Japonais, ÔMORI Keisuke. L'approche de Jacques Copeau qui, en 1924, répéta sans la représenter [21] une pièce de nô adaptée par Suzanne Bing, Kantan, est encore d'un autre ordre. Il s'agit d'un processus clairement pédagogique, les rigueurs de la forme impliquant selon lui un apprentissage exceptionnel. C'est Jean Dasté qui reprendra le flambeau à la Comédie de Saint-Étienne, et en 1948 Sumidagawa, écrit par MOTOMASA, le fils de ZEAMI, et adapté par S. Bing, fera rêver Jacques Lemarchand à « une forme nouvelle de l'art dramatique [22] ». Quant à Charles Dullin, il reconnaît avoir « toujours été attiré par les principes du vieux théâtre japonais » : « c'est en étudiant ses origines et son histoire que j'ai affermi mes idées sur une rénovation du spectacle théâtral » [23]). Avoir vu Kanjinchô au Théâtre Pigalle en mai 1930 lui a sans doute permis de mieux comprendre les spectacles du GosTIM qui suivent en juin à Paris. Fort de l'étude attentive des mises en scène, du jeu de l'acteur et des estampes, Dullin tente dans ses écrits une démarche comparative et propose une voie nécessaire qui sera suivie par maints créateurs :
Vouloir imposer à notre théâtre occidental les règles d'un théâtre fait d'une longue tradition, qui a un langage symbolique bien à lui, serait une erreur grossière, mais ne pas tirer parti des exemples admirables de transposition à la fois réaliste et poétique, des effets qu'il tire de la plastique et du rythme, serait absurde [24].
Le théâtre japonais est donc très tôt présent dans l'histoire de la scène européenne du XXe siècle, mais d'autres Orients interviendront : en particulier le théâtre balinais pour Antonin Artaud à l'Exposition coloniale de 1931 et l'opéra chinois, avec la tournée de MEI Lanfang en 1935 à Moscou où sont rassemblés Eisenstein, Brecht, Meyerhold, Craig, Stanislavski. Chacun sera profondément impressionné, différemment selon le stade de son évolution artistique, par l'art de MEI Lanfang, tout comme Dullin qui l'a plusieurs fois rencontré. Dans la seconde partie du siècle, l'histoire est mieux connue. On sait comment, chez Charles Dullin à l'Atelier, Jean- Louis Barrault apprend à s'intéresser au théâtre oriental et en particulier au nô, avant d'être fasciné par des représentations à l'occasion d'une tournée au Japon ; comment Jerzy Grotowski revient totalement transformé de son premier voyage en Inde ; comment Ariane Mnouchkine construit un art festif, plastique et musical à partir deplusieurs sources - du Japon à l'Inde en passant par la Corée - qu'elle combine dans l'élan syncrétique puissant d'une recherche théâtrale visant un public élargi ; comment Eugenio Barba mène des investigations de type anthropologique et met au jour dans les traditions qu'il approche des principes communs. Et tant d'autres sont concernés, en danse, au théâtre, à l'opéra : Marcel Marceau, Maurice Béjart, Peter Brook, Robert Wilson, Peter Sellars, Anatoli Vassiliev...
Ce qu'on sait moins en revanche, ce sont les nombreux « trajets » effectués en sens inverse, ce sont aussi les étranges boucles complètes qui réunissent parfois culturesource et culture-cible en brouillant les qualificatifs au cours du processus. Ainsi Yeats écrit des pièces poétiques dans l'esprit du nô et At the Hawk's Well (Au puits de l'épervier), une de ses Four Plays for Dancers, doit son écriture à la double influence d'ITÔ Michio, informateur et danseur. Celui-ci la traduira et la fera jouer au Japon, puis elle sera transposée en nô par YOKOMICHI Mario et représentée à plusieurs reprises de 1949 à 1952 [25]. Ainsi OIDA Yoshi, acteur japonais qui travaille avec Peter Brook, monte en 1998 à Aix-en-Provence, puis au Théâtre des Bouffes du Nord, Curlew River, opéra que Benjamin Britten a composé à partir de Sumidagawa, et utilise pour cela son savoir sur le nô et le kabuki.
Les hommes de théâtre japonais, mus par le désir de faire évoluer leurs traditions, prennent le chemin de l'Europe. C'est KAWAKAMI qui, après son premier voyage en France, commence dès 1891 à Tôkyô à adapter des textes occidentaux. Quand, en 1903, après sa tournée mémorable, il regagne le Japon, il monte Othello de Shakespeare traduit en japonais et SADA Yakko joue Desdémone. Suivront Le Marchand de Venise et Hamlet ; mais plus de la moitié des œuvres mises en scène par lui jusqu'à sa mort, en 1911, seront françaises. OSANAI Kaoru crée, en hommage à Antoine (1909), un Théâtre-Libre - qu'il inaugure avec une pièce d'Ibsen. Le jeu psychologique en provenance du Théâtre d'Art de Moscou s'impose. Le shinpa, puis le shingeki (littéralement nouveau théâtre) sont des genres issus de la pénétration de la dramaturgie et des codes européens [26]. ICHIKAWA effectue en 1906 un premier voyage d'études en Europe, s'initiant même à Londres aux principes de Delsarte, et en 1928 il prolonge la tournée en URSS par un long périple où il fréquente les théâtres, cirques, opéras des capitales européennes.
Dans un numéro de 1912 de sa revue The Mask qui témoigne du grand intérêt qu'il porte aux théâtres asiatiques et au rôle qu'ils ont à jouer dans la construction du « théâtre de l'Avenir », Craig donne la parole à TSUBO.UCHI Shikô pour exposer la tension régnant au Japon entre un théâtre traditionnel qui ne satisfait plus la jeunesse et l'imitation du théâtre occidental qui, trop loin des traditions, ne le contente pas davantage. TSUBO.UCHI suggère un « double travail d'assimilation » :
Ne vaut-il pas mieux que le passé meure sans nous influencer, plutôt que d'étouffer notre jeune esprit ? Si le passé doit nous influencer, il faut qu'il soit influencé lui-même par l'esprit de l'âge nouveau. C'est pourquoi nous étudions et imitons vos arts [...]. Certes, nous ne voulons pas abandonner nos arts traditionnels, nous voulons les assimiler à l'esprit nouveau. Vous voyez que notre problème est double : il nous faut d'abord assimiler vos arts à notre goût national, puis retourner à nos arts traditionnels avec un esprit et d'un point de vue neufs, pour qu'ils nous influencent à leur tour. C'est seulement ainsi que pourra naître un nouvel art national [27].
De la même façon que Craig, Dullin, Meyerhold regardent vers l'Asie, ce que TSUBO.UCHI aimerait voir chercher en Occident, ce ne sont point des formes à imiter directement, mais des principes et des techniques dont s'inspirer pour revitaliser un art en crise. Les influences occidentales passent par la dramaturgie, les codes de jeu réalistes et psychologiques, mais aussi par la danse, le cinéma. Ainsi, Jûjiro de KINUGASA Teinosuke porte la marque de Caligari, il sera le premier film japonais distribué en Allemagne en 1930. Le kabuki résistera mal aux tentatives de le moderniser aux sources européennes. En 1964, MISHIMA Yukio dénoncera ce traitement : « Tout le travail accompli pour mettre en place un kabuki réformé, transparent, purifié, réaliste,rationnel, devrait être rejeté. [...] À force de se raffiner, de devenir toujours plus convenable, ce sont ses mauvais côtés qui sont devenus manifestes [28]. » Commence alors une autre phase, celle de réappropriation de l'héritage. Parallèlement, dans le creuset de la contestation des années soixante, de nouvelles formes se développent en réaction contre le shingeki occidentalisé. SUZUKI Tadashi prône un retour à la priorité donnée à l'acteur, non au texte, et s'appuie sur les différentes techniques de jeu, pratiquant un collage des traditions nationales, pour créer dans un premier temps un théâtre pauvre basé sur un usage total du corps [29]. Et HIJIKATA Tatsumi fait émerger ce qu'on nommera en Occident la « danse des ténèbres ».

 

LE BUTÔ: LA CRÉATION
D'UNE ÉTRANGE DANSE NOUVELLE

Gandhi a inventé sa doctrine de la non-violence politique à partir de la lecture de Lev Tolstoï, lui-même influencé par l'hindouisme, et en méditant le Sermon sur la montagne, beaucoup plus qu'en s'inspirant directement de la Bhagavad-Gîtâ. Doctrine récente, elle est néanmoins en continuité avec la spiritualité traditionnelle de l'hindouisme. De même, le butô s'est d'abord constitué dans une ouverture, un rapport étroit à ce qui se faisait à l'extérieur de l'archipel, HIJIKATA rejetant les traditions séculaires conservées et tout particulièrement celles du kabuki - il les juge sclérosées ou perverties -, pour retrouver des racines profondément japonaises.
Surgi dans les années soixante, le butô qui se cherche se veut une danse différente - et, pour la nommer, HIJIKATA utilise le terme qui, au XIXe siècle, désignait les danses étrangères importées, telles la valse ou le tango. En résonance avec l'état d'esprit qui règne dans le Japon des années soixante, le sentiment d'impuissance ressassé depuis la défaite et les traumatismes profonds laissés par les cataclysmes naturels et militaires [30], le butô se construit dans les corps blessés d'artistes atteints physiquement dans leur vie personnelle, à partir d'expériences artistiques en provenance de la lointaine Europe. L'Extrême-Orient ici s'intéresse à l'extrême de la culture occidentale. Car il ne s'agit pas de se laisser aller aux séductions d'un Occident impérialiste et consumériste : pour remettre en cause un patrimoine qui semble incapable d'exprimer les problèmes nouveaux, c'est aux foyers de contestation radicale des avant-gardes européennes de diverses périodes - voire de divers siècles (Bataille et Sade) - et aux contre-cultures qu'il sera fait appel.
L'avant-garde japonaise où naît le butô est un underground pluridisciplinaire. Les artistes circulent d'un genre à l'autre, et des apports étrangers interagissent comme de façon chimique : les images de l'expressionnisme, les musiques des Noirs américains, les sucs tirés des lectures des surréalistes et de l'« Enfer » de la littérature française... Les artistes s'interrogent sur leur propre identité en questionnant celle des autres. D'autres qui ont d'ailleurs pu être troublés, voire déterminés dans leur formation artistique par la découverte de l'Orient. Le butô représente peut-être une exploration de soi à travers l'autre.
Nous n'avons pas le droit de tricher avec l'aspiration qui nous porte vers la culture d'Occident. Il faut mener cette exploration jusqu'au bout. Ce qui compte c'est la profondeur de notre expérience. Quitte à commencer par un « je fais les mêmes rêves que Dali », peu importe. Jusqu'à ce que l'on soit capable d'un regard assez profond pour se saisir soi-même et percevoir la silhouette de Dali « dans sa réalité », il suffira de veiller obstinément à ne pas s'écarter de son propre chemin [31].
Les danseurs de butô iront loin dans cette démarche indiquée par le peintre HASEGAWA Saburô en 1937. Le butô a souvent été jugé grimaçant, exhibitionniste, ou comparé à un théâtre de la répulsion et de la convulsion. Certes, il a connu sur quatre décennies différentes étapes et de nombreux registres. Mais pour ceux qui savent changer leur regard et leur perspective, il touche à des zones peu connues, infraphysiques ou métaphysiques. Il est une méditation en actions, souvent minimes,extrêmement ralenties, qui pénètre au plus profond d'un « corps obscur [32] ». D'ÔNO Kazuo, avec qui elle a travaillé, Roberta Carreri, actrice de l'Odin Teatret, a appris que la danse n'est pas seulement ce qui se voit, mais qu'elle vit d'abord à l'intérieur du danseur [33]. Ce n'est pas la forme qui compte, mais le mouvement invisible, intérieur. Cette danse qui semble donc s'exhiber, s'exposer de façon obscène, implique chez ceux qui la pratiquent une intériorisation qui n'est pas repli sur soi-même, mais plutôt retrait du moi dans la toute-présence d'un corps qui communique avec le cosmos. Ce que retrouvent ces danseurs japonais, après leur voyage au bout de la nuit de l'enfer de l'ego, dans ces extrémités où les entraîne leur rébellion, c'est l'effacement bouddhiste du je, la fusion dans l'Un, le Tout, le Soi. La structuration non dualiste de leurs dispositions psychomentales, de leur mode d'appréhension du monde où le corps et l'esprit, la chair et le divin ne sont jamais opposés, mais liés, vient à bout de l'idolâtrie de l'ego propre à la culture occidentale, et conduit au silence de l'individu - non à son exaltation, pas plus d'ailleurs qu'à sa suppression. La descente profonde dans le corps qu'on explore, comme le recommande HIJIKATA, dans ses replis cachés, dans sa mémoire, et qui porte les cicatrices de tous les corps, est une danse du renoncement à l'ego. Elle affirme de manière paradoxale la transcendance radicale de l'Absolu transpersonnel et simultanément son immanence intégrale au monde manifesté, à l'être individué, mais non crispé sur la réalité du sujet psychologique [34]. Cette affirmation intégrative réinsère dans l'Absolu la nature, le négatif, le mal, la destruction - la laideur, la grimace, le scandale, l'animalité -, car rien ne saurait exister séparément.

 

UN MYTHE POUR LE BUTÔ: NIJINSKI

Après Nijinski, il est devenu impossible pour
un danseur de considérer son corps comme un
simple moyen d'expression.
KASAI Akira [35]

 

Des noms jalonnent l'histoire du butô : Genet, Artaud, Grotowski et d'abord Nijinski, dans l'aura matricielle des Ballets russes. Vaslav Nijinski qui, pour la chorégraphie de L'Après-midi d'un faune créée sur la musique composée par Claude Debussy à partir de l'églogue de Stéphane Mallarmé - « exigeant le théâtre », selon les mots du poète [36] -, s'est libéré tant de la convention du ballet classique que des réformes introduites par le néoclassicisme de son maître Mikhaïl Fokine. Il effectue un retour à des « sources » qui lui font remonter le temps et qu'il croise dans sa danse. Danse dont les mouvements ont un rapport nouveau, contrasté, non synchrone, avec la musique : ils en sont presque indépendants.
En mai 1912, la première au Châtelet est un scandale au parfum de triomphe - qui suivra. Le public est troublé par le chorégraphe-danseur devenu créature hybride, par sa gestuelle saccadée et par l'évocation non pas sensuelle, mais sexuelle du finale. Sous l'impulsion de HIJIKATA, les danseurs de butô feront référence à Nijinski et s'exerceront à reproduire une posture caractéristique de L'Après-midi d'un faune, dans une réminiscence d'un geste chorégraphique intense et inventif du chorégraphe russe. Le livre de Romola Nijinski [37] est traduit en japonais en 1962. La première traduction du Journal du danseur [38] par le célèbre critique de danse ICHIKAWA Miyabi, maître de KUNIYOSHI Kazuko, date de 1971. Dans un entretien de 1969 [39] HIJIKATA parle de son intérêt et de son admiration très vive pour le Russe. Il y insiste sur le fait que Nijinski était un enfant de moujik, d'origine paysanne - comme lui -, il insiste aussi sur ses caractéristiques physiques qui sont celles que lui-même valorise : jambes courtes, torse long. Nijinski avait plus d'un atout pour devenir un pôle d'attraction pour le fondateur du butô. Découvreur expérimentateur, danseur saint sacrifié à l'autel de la danse, de la souffrance et de la folie, marqué par une homosexualité qu'il vit mal, il est au cœur d'un mouvement pluridisciplinaire (peinture, littérature, musique) dont les Ballets russes intensifient la synergie ; et surtout, il introduit un modèle qui remet en question l'idée du corps dansant occidental - celui qu'a promu le ballet classique, où la colonne vertébrale est le centre du mouvement, comme celui que proposent Duncan et Fokine, plus libre et naturel, mais tendant aussi vers une image lyrique et idéalisée. La danse de Nijinski est anguleuse - épaules rentrées, genoux en dedans, profil mis en valeur. Elle s'appuie sur le bassin qui contrôle le centre de gravité du corps et instaure un nouveau rapport au sol auquel le danseur semble intimement lié, tout comme, selon Rodin, le corps de HANAKO était « enraciné dans la terre tel un arbre [40] ». Parenté où se retrouve le danseur de butô, aux jambes rarement dépliées en hauteur, qui font percevoir la proximité du sol.
Quand, en 1902, Adolphe Appia a vu SADA Yakko, il a mis un bémol à l'enthousiasme général, soulignant combien cette « plastique peinte dans le mouvement, donc dans le temps », cette « belle violence », cet « exotisme » étaient liés à une « hypertrophie de l'expression des événements purement extérieurs », alors que le théâtre européen souffrait du mal inverse, « une hypertrophie de l'expression des événements intérieurs ». Corollaire de cette constatation : le « manque d'intériorité » [41] du Japonais. Cette affirmation convenait peut-être aux stratégies de séduction entreprises par KAWAKAMI, mais elle révèle surtout une compréhension spécifique de l'intériorité, assimilée à l'intime, aux sentiments, à la psychologie.
Car l'intériorité ici est d'un autre ordre, elle relie le Moi au Soi, le corps à l'esprit, l'acteur à une tradition ancienne, ancestrale, et l'homme à la réalité de l'infini et du cosmos. C'est avec ces théâtres venus de l'Asie que les transferts culturels se jouent sur le mode particulier de l'anamnèse. En 1930, un critique soulignait que l'inspiration de la troupe abritée au Théâtre Pigalle « remonte aux sources mêmes de l'art dramatique », « nous ramène à ses origines ». Et lorsqu'Artaud, l'année suivante, assiste aux représentations du théâtre dansé balinais, « il éprouve, écrit G. Banu, la sensation d'une forte réminiscence », comme s'il ne découvrait pas, mais était traversé par une expérience vécue, déjà passée à travers lui [42]Comment ont avancé les danseurs japonais, en révolte, dans une quête des origines, non du théâtre ou de la danse, mais du corps obscur, menée à côté de leurs formes traditionnelles et en réactivité à des propositions lancées par les avant-gardes occidentales ? Et qu'apportent les voyageurs des scènes butô aux Occidentaux qui s'y intéressent davantage que leurs compatriotes ? Une forme, une technique, ou une vision du monde et de soi dans le monde ? Telles sont les questions qu'on aborde dans cet ouvrage, parmi les autres thèmes exposés dans l'introduction qui suit.

Béatrice PICON-VALLIN
Texte d'introduction du livre Butô (s), sous la direction d'Odette ASLAN et Béatrice PICON-VALLIN, CNRS Editions, collection Arts du spectacle/Spectacle, histoire, société, Paris, 2002

  1. [1] « Baudelaire et nous », cité in Alain BOSQUET, Pierre Emmanuel, Paris, Seghers, coll. Poètes d'aujourd'hui, 1959, p. 209
  2. [2] Cité par Georges VALLIN, « Pourquoi le non-dualisme asiatique ? (Éléments pour une théorie de la philosophie comparée) », in Revue philosophique, n° 2, Paris, avril-mai 1978, p. 160. Pour le texte original, cf.Chandogya-Upanishad, trad. et notes Émile Sénart, Paris, Les Belles Lettres, 1930, Sixième lecture, 8e section 6-7, p. 85
  3. [3] Cf. notamment Georges BANU, « Les tournées ou ces objets venus d'ailleurs », in Le Théâtre ou l'Instant habité, Paris, L'Herne, 1993, pp. 126-127; B. PICONVALLIN, « Un siècle de théâtre: les tournées russes en France. De Diaghilev à Vassiliev », in Le Coq et l'ours, textes réunis par Francine-Dominique LIECHTENHAN, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1999, pp. 173-192; Leonard C. PRONKO, Theater East and West. Perspectives toward a Total Theater, Berkeley, University of California Press, 2e éd., 1974, pp. 115-169
  4. [4] Cf. Patrice PAVIS, « Vers une théorie de l'interculturalité au théâtre ? », in Confluences, essais réunis sous la direction de P. PAVIS, Saint-Cyr-l'École, Prépublications du petit bricoleur de Bois-Robert, s. d., pp. 248-265, pour la bibliographie donnée à ce sujet
  5. [5] SADA Yakko est la vedette de la troupe de KAWAKAMI Otojirô, engagée alors par Loïe Fuller
  6. [6] « Le théâtre est oriental... », in Confluences, op. cit., p. 191
  7. [7] Moscou, Archives RGALI, 963, 1, 1081. Lettre de SANO Seki à L.Vendrovskaïa, 7 juillet 1960
  8. [8] Cf. la thèse d'Irène BONNAUD, Brecht, période américaine, dir. Jean-Pierre Morel, Paris, Université de Paris IIISorbonne Nouvelle, janvier 2000
  9. [9] Lettre de YOSHIDA Kanroku, du Théâtre national de bunraku d'Ôsaka, Archives du Théâtre du Soleil. La tournée a eu 16 représentations au Nouveau Théâtre national de Tôkyô
  10. [10] « Un regard sur l'âme japonaise », in Œuvres en prose, textes établis et annotés par Jacques PETIT et Charles GALPÉRINE, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1965, p. 1124
  11. [11] . Article dité par SHIONOYA Kei, Cyrano et les samuraï. Le théâtre japonais en Francedans la première moitié du XXe siècle et l'effet de retour, Paris, POF, 1986, p. 71
  12. [12] Acteur de kabuki spécialisé dans les rôles féminins. Avec SADA Yakko, le rôle de la femme était donc inhabituellement interprété par une femme.
  13. [13] KAWAKAMI explique ces modifications stratégiques : « C'est le goût des étrangers. Ils ne viendraient pas voir le spectacle japonais si nous négligions leur goût. » Cité par SHIONOYA K., op. cit., p. 39. Ainsi rajoutera-t-il du sang et du pathos dans les scènes de mort violente, que le public français applaudira davantage que le public américain ou anglais.
  14. [14] Cf. V. MEYERHOLD, Écrits sur le théâtre, traduction, préface et notes de B. Picon-Vallin, Lausanne, L'Âge d'Homme, coll. th XX, t. I, éd. rev. et aug., 2001, p. 123, et t. II, 1975, p. 48
  15. [15] Un numéro spécial de la revue Shirakaba consacré à Rodin est sorti à Tôkyô en 1910. Une exposition itinérante, Rodin et le Japon, vient d'être présentée en 2001 à Shizuoka et à Aishi ; commissaire : Claudie Judrin. La Tête d'angoisse de la mort (classée type D au musée Rodin) y figure.
  16. [16] Cf. B. PICON-VALLIN, Meyerhold, Paris, CNRS Éditions, coll. Arts du spectacle/Les Voies de la création théâtrale, vol. 17, réimp. 2000, p. 426
  17. [17] Les acteurs sont pour la plupart inconnus au Japon, il n'y a pas d'onnagata, mais des actrices, et les décors sont naturalistes. Deux programmes sont présentésavecplusieurs fragments de pièces dont Kanjinchô (Le Passage de la frontière), épisodeguerrier.
  18. [18] « Terakoya » avait étémisen scène au Kammerspiele de Berlin en 1908. La traductiondeMeyerholdsera jouée en 1910 au Théâtre Liteïni à Petersbourg. À l'originepièce de bunraku (1746), cf. infra, p. 279, Sugawara denju... avait été repris l'année suivante par des acteurs de kabuki. Pour le texte de la pièce, cf. Sugawara and the Secrets of Calligraphy, ed. and tranlated by Stanleigh H.Jones Jr, New York, Columbia University Press, 1985
  19. [19] V. Meyerhold, Écrits sur le théâtre, op. cit., 1980, t. III, p. 99
  20. [20] Il s'agit d'une pièce de nouveau kabuki, qui se développe sous l'influence de la dramaturgie occidentale. Le rôle que tient Firmin Gémier a été interprété au Japon par ICHIKAWA Sadanji
  21. [21] À cause d'un accident arrivé à un acteur lors de la dernière répétition.
  22. [22] Cité par SHIONOYA K., op. cit., pp. 85-86
  23. [23] Charles DULLIN, in Correspondance, n° 16, mai 1930. Repris in Souvenirs et notes de travail d'un acteur, Paris, Odette Lieutier, 1946, p. 59
  24. [24] Cité par SHIONOYA K., op. cit., p. 94
  25. [25] Cf. Jean JACQUOT, « Craig, Yeats et le théâtre d'Orient », in Les Théâtres d'Asie, dir. J. JACQUOT, Paris, Éditions du CNRS, 1978, p. 276 et pp. 278-279. La pièce est toujours au répertoire de la famille KANZE
  26. [26] Pour tout cela, cf. l'étude de Jean- Jacques TSCHUDIN, Le Kabuki devant la modernité, Lausanne, L'Âge d'Homme, coll. Th 20, 1995. Pour une période plus récente et sur le théâtre chinois, cf. NING Zhang, L'Appropriation par la Chine du théâtre occidental. Un autre sens de l'Occident, Paris, L'Harmattan, 1998.
  27. [27] « The Drama in Japan », in The Mask, vol. IV, n° 4, avril 1912, pp. 309- 320, cité par Jean JACQUOT, loc. cit., p. 271
  28. [28] MISHIMA à FUKUDA Tsuneari, « De la disparition du kabuki », in Chûôkôron, juillet 1964, cité in J.-J. TSCHUDIN, op. cit., p. 265
  29. [29] SUZUKI adaptera par la suite des pièces de Shakespeare et des tragiques grecs, et tout récemment de Hofmannsthal, aux techniques qu'il a systématisées en méthode. À Toga, où se trouve son Centre, il a fait construire dans la campagne un théâtre en plein air qui unit l'architecture de l'amphithéâtre grec et l'esthétique japonaise
  30. [30] Cf. à ce propos l'analyse de P. CLAUDEL, « Adieu, Japon ! », in Œuvres en prose, op. cit., p. 1150 sqq
  31. [31] HASEGAWA Saburô, « Pour situer la peinture d'avant-garde », in Atelier, vol. 14, n° 6, Tôkyô, juin 1937, pp. 5-7. C'est nous qui soulignons.
  32. [32] Cf. Odette ASLAN, infra, p. 18
  33. [33] Conférence-démonstration « Le théâtre-danse », Centre Meyerhold, Moscou, 19 mai 2001
  34. [34] Cf. G. VALLIN, La Perspective métaphysique, Paris, Dervy-Livres, 2e éd., 1977
  35. [35] In Butô - Butoh Dance, Nikutaemo, n° 2, Tôkyô, été 1996, p. 19 (cf. infra, p. 94)
  36. [36] Cf. Stéphane MALLARMÉ, in Correspondance 1862-1871, recueillie, classée et annotée par Henri MONDOR et Lloyd James AUSTIN, Paris, Gallimard, 1959, t. 1, p. 166
  37. [37] Nijinski, London, V. Gollancz, 1933. NAKANISHI Natsuyuki, un des collaborateurs de HIJIKATA, illustra la couverture de la publication du Journal en japonais (Nijinsuki no shuki : nikutai to tami, Tôkyô, Gendai Shichô sha, 1971)
  38. [38] En français: V. NIJINSKI, Journal, traduction, préface et notes de Georges S. Solpray, Paris, Gallimard, 1953
  39. [39] HIJIKATA Tatsumi, in Koritsushatachi no taiwa (Conversation entre des gens solitaires), Kôfu, Yamanashi Silk Center, 1969; repris in Hijikata Tatsumi zenshû (Œuvres complètes), MOTOFUJI Akiko, TANEMURA Toshihiro, TSURUOKA Yoshihisa, eds, Tôkyô, Kawade shobôshinsha, 1998, t. II, p. 47
  40. [40] Cité par Donald KEENE, Application of Japanese Culture, Tôkyô, Kôdanshabr> International, 1971, p. 258
  41. [41] Adolphe APPIA, « Encore un mot sur la représentation japonaise », in Œuvres complètes, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1986, t. II (1895-1905), pp. 333-334
  42. [42] Georges BANU, Mémoires du théâtre, Arles, Actes Sud, coll. Le temps du théâtre, 1987, p. 65. Cf. aussi G. VALLIN, La Perspective métaphysique, op. cit., p. 247