En partenariat avec le Théâtre du Soleil et la Région Rhône-Alpes, et avec le soutien de l’Open Society Institute-Soros Foundation Network(par le biais de son programme de développement professionnel au bénéfice d’acteurs culturels de pays comme l’Afghanistan), l‘Ensatt avait décidé d’accueillir durant une année 13 des membres de la troupe (dont deux femmes), répondant ainsi au souhait des jeunes artistes afghans de poursuivre et approfondir leur formation théâtrale en France.
Au cours cette année universitaire 2010/2011, le Théâtre Aftaab dressait en français un premier bilan :
« Au vue des accomplissements que nous sommes en train de réaliser à l’ENSATT, tout en considérant qu’à notre arrivée en septembre 2010, nous nous sentions perdus et dépassés dans un nouveau système d’apprentissage et un nouveau rythme du travail que nous avons dû apprivoiser au fil des mois, nous pouvons dire aujourd’hui que nous avons trouvé notre place et notre façon de fonctionner avec l’outil pédagogique qui nous a été offert.
L’une des opportunités donnée par l’ENSATT au Théâtre Aftaab est celle de pouvoir avancer vers l’autonomie de notre troupe. Les divers domaines de connaissances qui nous sont offerts, l’intégration d’un ou de plusieurs membres du Théâtre Aftaab dans chacun des cursus proposés à l’ENSATT nous permettent d’élargir nos connaissances et de devenir plus performant dans tous les métiers des arts et techniques du théâtre. Ainsi nous pouvons poursuivre le chemin que nous avons entrepris il y a 6 ans, pour se diriger vers un avenir plus lumineux et vers l’autonomie de notre troupe.
Nous savons aujourd’hui que nous pourrons mettre en pratique l’apprentissage théorique et nous en avons déjà eu la preuve au cours de ce second semestre avec l’intégration d’acteurs et d’actrices du Théâtre Aftaab à des ateliers d’élèves, qui ont joué en français, mais aussi avec le projet des deux étudiants en administration qui sont en train de créer une structure administrative qui hébergera le Théâtre Aftaab en France et nous permettra de gérer l’ensemble de nos productions à venir. Nous comprenons mieux aujourd’hui ce que représente une production dans son ensemble et si nous étions déjà bien conscient du travail de l’acteur, nous découvrons au sein de l’ENSATT qu’il nous reste à créer une structure viable et légale et à former des administrateurs qui pourrons faire vivre la troupe, l’élargir et la développer.
Si nous apprenons beaucoup à l’ENSATT, nous sommes heureux d’être porteurs d’un échange avec les étudiants français qui méconnaissent souvent notre pays et notre culture. Cet échange a lieu en cours et après les cours :
Nous leur parlons de notre pays, nous leur disons que malgré les malheurs que connaît l’Afghanistan, là-bas vivent des gens qui sourient. Si des hommes se font exploser, d’autres respectent l’humanité. Si des hommes forcent leurs femmes à porter la burqa, d’autres s’y opposent et défendent la liberté de la femme et font des efforts sincères pour que l’on change cette situation. Nous leur disons que nous ne sommes pas nombreux et que l’artiste porte cette responsabilité au devant de l’humanité. Nous avons présenté à ces étudiants français notre spectacle « Ce Jour-là » qui est la preuve de notre combat.
Même si nous avons déjà beaucoup appris nous savons que nous ne sommes qu’au début du chemin, le Théâtre Aftaab veut aller au bout de cet apprentissage et aller au bout de ce chemin. Nous savons déjà, au regard de ce que nous avons vécu au cours de ces derniers mois à l’ENSATT, que cette année ne suffira pas à parachever notre apprentissage et que la question de notre avenir se fait déjà sentir au sein du groupe. Nous espérons tous que nous pourrons bénéficier d’une autre année d’études. Nos pensées, nos apprentissages et nos projets nouveaux doivent prendre forme et se réaliser et cela exige plus de temps.
Notre objectif pour le Théâtre Aftaab est de l’élever vers un mode de fonctionnement professionnel et autonome. L’apprentissage des arts et techniques du Théâtre que nous offre l’ENSATT est un élargissement de notre vision afghane, de laquelle nous ne pouvons plus nous contenter, à une vision mondiale. La compréhension et la maîtrise de ces arts et techniques nous permettra d’atteindre nos objectifs principaux : nous battre contre l’injustice, nous battre contre l’inégalité, nous battre contre le désordre et l’horreur qui règnent dans notre pays. Nous battre avec nos armes : l’Art et le Théâtre contre les Kalachnikov et les attentats suicides, le rire, la poésie et la musique contre les larmes et la douleur.
Notre but est humaniste. Le Théâtre Aftaab veut être la voix d’un peuple qui doit chercher de quoi se nourrir au bord de la route, mais qui n’y trouve rien, car tout est recouvert par la poussière des voitures blindées des dirigeants de notre pays, dirigeants qui eux n’iront jamais dormir avant d’être repus. Nous voulons offrir une autre réalité, une autre vision du monde à ceux qui croient qu’ils accèderons aux portes du paradis en se faisant exploser. Nous voulons être le cri des êtres humains qui sont condamnés à être lapidés ou pendus pour avoir aimé. Nous ne voulons pas d’un pays aveugle, d’un peuple qui cèderait à l’enfer des orientations fanatiques liées à l’ethnie, à la langue, à la race et à la religion. Nous ne voulons pas que l’Histoire noire de ce pays se répète.
Pour cela, nous devons être fort et efficace, pour cela nous devons aller au bout de notre apprentissage cette année et nous l’espérons l’année prochaine. »