2024
Du 23 mars au 5 avril 2023, Ariane Mnouchkine et une quinzaine de membres du Théâtre du Soleil se rendent à Kyiv pour un stage qui réunira une centaine de participants venus de plusieurs villes ukrainiennes. Un film documentaire qui raconte cette aventure artistique et humaine unique, mêlant la solidarité, la gratitude, l’amour et l’espoir.
Un film écrit et réalisé par Duccio Bellugi-Vannuccini et Thomas Briat
Première diffusion télévisée le vendredi 16 février 2023 sur France 5
Cela m’intimide toujours quand quelqu’un me demande : « Que peut le théâtre contre la guerre ? » Je me dis que si on était si inconsistant que ça, si vraiment l’art ne pesait rien, alors pourquoi tous les tyrans du monde voudraient tant tuer les artistes ? – Ariane Mnouchkine
Pour Ariane Mnouchkine, qui vient de fêter ses 84 ans – dont bientôt soixante à la tête du Théâtre du Soleil –, tout est parti d’une idée simple et presque incongrue : « Je me suis dit : “Pourquoi on irait pas faire une école à Kyiv ?” » L’école en question, c’est « l’école nomade » qu’organise régulièrement le Théâtre du Soleil à travers le monde, des stages gratuits à la rencontre de comédiens étrangers débutants ou chevronnés – des stages qui ont parfois décidé certains membres actuels de la troupe, croisés en Inde ou en Afghanistan, à tout quitter pour la rejoindre. Aussitôt exposée, l’idée suscite des questions et des inquiétudes. Et, en effet, ce ne sera pas une colonie de vacances. Mais Ariane Mnouchkine campe sur ses certitudes. « J’ai 84 ans et j’ai l’impression d’être en train de vivre ce qu’ont vécu les gens dans les années 30. Il y a des moments où les démocraties doivent être défendues, et nous, nous avons une arme, une arme de vie : le théâtre. » Il faut donc aller passer un moment avec les Ukrainiens, pour les saluer, pour les soutenir. « S’ils perdent, nous perdons. »
21 mars 2023. Le Théâtre du Soleil s’installe au Théâtre de l’Opéra de la Jeunesse à Kyiv. Pendant douze jours, une centaine de comédiens ukrainiens de tous âges, étudiants dans les conservatoires de Lviv, de Kharkiv ou Kyiv, acteurs professionnels ou amateurs, vont découvrir une nouvelle pratique théâtrale.
Ariane Mnouchkine et ses comédiens ne viennent pas ici enseigner une méthode mais partager un idéal : « Faire un théâtre en prise directe avec l’histoire brûlante de notre temps, qui ne soit pas un simple constat, mais un encouragement permanent à changer les conditions dans lesquelles nous vivons. » Au-delà des différences de langue et de culture, il s’agit de trouver un langage commun et universel et de créer un espace, une « île » — dit-elle —, d’amitié, de joie, de rencontres.
Peu à peu, la guerre s’invite dans les propositions d’improvisation et dans les conversations. Chaque participant a une histoire différente. Une comédienne retient ses larmes en évoquant sa mère, restée près du front pour s’occuper de sa propre mère malade ; une autre s’inquiète pour son mari parti se battre ; une troisième est volontaire dans les forces armées... Un comédien confie : « Au début, je me demandais : “A-t-on besoin du théâtre en ce moment ? Est-ce essentiel si on n’arrive pas à reprendre les territoires occupés ? En parlant avec d’autres comédiens, j’ai eu la réponse. Nos soldats défendent l’Ukraine les armes à la main sur le front, nous, ici, on bâtit la nouvelle Ukraine. On ne peut pas remettre ça à demain. C’est maintenant. Et, de même que nous avons besoin d’armes et de munitions pour la guerre, nous avons besoin des munitions culturelles que vous nous apportez. ” » Qu’il soit une arme, une catharsis ou une thérapie, le théâtre semble toujours être une lumière d’espoir.