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  • Guetteurs et tocsin
  • Publication du 14/04/2019

Iran : mobilisons-nous pour Nasrin Sotoudeh

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Lettre de NASRIN SOTOUDEH DEPUIS LA PRISON D'ÉVIN

Cher·es compatriotes, cher·es défenseur·es des droits humains,

je vous salue et vous présente mes meilleurs vœux pour le Nouvel An [21 mars]. Je vous remercie aussi de votre soutien qui dépasse de loin toutes mes espérances.

Je veux commenter, dans cette lettre, le jugement rendu par le tribunal de la révolution islamique à mon encontre. Mais avant, je dois souligner que tout jugement rendu par ce tribunal se passe dans des conditions plus ou moins identiques et que les droits des inculpés sont sans cesse bafoués par l’absence de toute défense.

Au-delà de cette question, le jugement à mon encontre met aussi en lumière le lourd tabou qui persiste autour de la chevelure des femmes.

Enfin, je rappelle qu’aujourd’hui je me retrouve condamnée pour le seul motif d’avoir exercé mon métier d’avocate.

J’en arrive au jugement et j’attire votre attention sur le fait que j’avais déjà été condamnée par contumace, en 2016, à 5 ans d’emprisonnement, pour menace contre la sûreté nationale. Lors de mon arrestation en 2018, de nouveaux chefs d’accusation ont été ajoutés :

- 1) participation à des activités menaçant la sûreté nationale (7,5 ans d’emprisonnement) ;
- 2) participation à la campagne de Legam, pour l’abolition de la peine de mort (7,5 ans d’emprisonnement) ;
- 3) propagande anti-régime (1,5 an d’emprisonnement) ;
- 4) incitation à la débauche et à la prostitution (12 ans d’emprisonnement) ;
- 5) apparition publique sans voile (74 coups de fouet) ;
- 6) propagation mensongère dans le but de soulever l’opinion publique contre le régime (3 ans d’emprisonnement et 74 coups de fouet) ;
- 7) atteinte à l’ordre public (2 ans d’emprisonnement).
[Avec la condamnation de 2018], la peine totale s’élève ainsi à 38,5 ans de prison et 148 coups de fouet.

Selon l’article 134 du Code pénal islamique, en cas de chefs d’accusation multiples, le juge doit déterminer une peine distincte pour chacun d’entre eux, la peine la plus lourde étant exécutée la première.
Dans mon cas, la peine la plus lourde est de 12 ans d’emprisonnement. C’est elle qui devra s’appliquer en premier. Dès lors, la question se pose de savoir ce qu’il adviendra des autres peines.
Selon le même article 134 : « si la peine la plus lourde est réduite ou inapplicable pour une raison légale, la deuxième peine la plus lourde s’applique ». Le sort de l’inculpé dépend donc de la fixation de chacune des peines.

Dans mon cas :
- le jugement établit que le fait d’être l’avocate des « filles de la rue de la Révolution » et d’avoir déposé un bouquet de fleurs sur l’armoire électrique [où elles montent pour agiter leurs foulards] me rend coupable d’incitation à la débauche et à la prostitution, raison pour laquelle je suis condamnée à 12 ans d’emprisonnement ;
- à l’encontre de toute déontologie, le jugement insulte grossièrement les « filles de la rue de la Révolution », ce qui est passible de poursuites ;
- le procès s’est déroulé en mon absence et en l’absence de mon avocat, empêché de se présenter au tribunal, comme le soulignent clairement les plaidoiries à charge.

Dans mon cas comme dans de très nombreux autres cas, les règles de base d’un procès équitable ont été complètement ignorées. Je n’ai aucune intention de participer à ce simulacre de justice. Que le tribunal de la révolution islamique joue tout seul à ce jeu-là ! Le plus grave dans cette affaire est que cette manière de procéder, de violer les règles d’un procès équitable, est systématique.

Je veux souligner et rappeler que le caractère systématique de cette iniquité et l’étendue de sa portée bafouent les droits de la majorité des inculpés. Un nombre important de militants politiques et civiques, ainsi que des personnes inculpées en raison de leurs convictions et croyances sont exposées aux risques d’un tel système : procès où la présence des avocats de la défense est empêchée, procès pour lesquels le tribunal ne demande aucune preuve des accusations aux instances de sécurité et de renseignement, procès pour lesquels on ne laisse pas aux inculpés le temps nécessaire pour préparer leurs défenses.

Voilà comment nos tribunaux rendent des verdicts d’emprisonnement de plusieurs dizaines d’années, et voilà comment un nombre important de victimes de ce système passent leurs vies dans les geôles du régime.
Un jour, la lumière de la justice brillera aussi sur notre pays. D’ici là, il nous faut patienter et poursuivre pacifiquement le chemin entrepris en espérant qu’il nous y mène.

Nasrin Sotoudeh نسرین ستوده, prison d’ Évin, quartier des femmes, 29 mars 2019
Traduit du persan par Chahla Chafiq et Clara Dom
Source : Nasrin Sotoudeh

 

Le Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour d’appel de Paris appelle à la mobilisation :

Libérez l’avocate iranienne Nasrin Sotoudeh !


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