Appel à pétition
À Emmanuel Macron, président de la République
À Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale
À Franck Riester, ministre de la Culture
Pétition à l’initiative des professeurs d’options et des artistes partenaires pour la sauvegarde des enseignements artistiques en lycée, portée par 440 premiers signataires, soutenue par l’ANRAT (théâtre), l’APEMu (musique), Polychrome-Edu (arts plastiques) et Les Ailes du désir (cinéma-audiovisuel).
La réforme du lycée et du baccalauréat engagée par le gouvernement prévue pour la rentrée prochaine réaffirme la nécessité des enseignements artistiques mais, dans les faits, sa mise en œuvre aura des effets contraires en les fragilisant voire en les faisant disparaître.
- Elle condamne à court terme l’existence même des options artistiques qui font la richesse de notre système éducatif.
- Elle met à mal 30 ans de politique artistique et de partenariat culturel.
- Elle encourage les élèves à abandonner leurs pratiques artistiques au profit de matières dites « utiles » pour le processus d’orientation.
- Elle aggrave les inégalités sociales en privant les territoires les plus fragiles de ces enseignements.
A défaut d’une abrogation ou d’un moratoire de cette réforme décidée sans véritable concertation et imposée dans la précipitation, pour la défense d’une éducation artistique et culturelle égalitaire et accessible à tous, car la survie des enseignements artistiques dans le secondaire ne saurait être assurée sans cela, nous demandons :
- le maintien statutaire des partenariats existants entre le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Culture,
- le maintien de trois spécialités en terminale,
- une juste évaluation des options facultatives dans le baccalauréat - par un examen final et un coefficient significatif - à la mesure de l’investissement qu’elles requièrent,
- un nombre d’heures de cours adapté aux spécificités des enseignements artistiques en classe de première,
- la possibilité dans toutes les académies de s'inscrire dans le lycée de son choix pour suivre un enseignement non proposé dans le lycée de secteur.
La réforme du lycée et du baccalauréat, décidée sans aucune concertation et imposée dans la précipitation, suscite une opposition générale car :
- elle met fin au diplôme national, de même valeur pour tous ;
- elle dégrade les conditions d’étude en augmentant le nombre d’élèves par classe et en diminuant les moyens permettant les dédoublements d’effectifs ;
- alors qu’on prétend offrir plus de choix aux élèves, on restreint leur choix et on appauvrit de fait leur formation.
En particulier, cette réforme, telle qu’elle est prévue pour la rentrée 2019, altère et menace de disparition les enseignements artistiques (THÉÂTRE, DANSE, CINÉMA- AUDIOVISUEL, MUSIQUE, ARTS PLASTIQUES, HISTOIRE DES ARTS ET ARTS DU CIRQUE) pour les raisons suivantes :
• Contrairement à ce qui est annoncé, cette réforme restreint le choix des élèves :
- Choix réduit à une seule option facultative en Seconde, contre deux possibles jusqu’à présent.
- Obligation pour les élèves d’abandonner une spécialité en Terminale et d’amputer ainsi une part importante de leur choix. La réforme encourage les élèves à abandonner leurs pratiques artistiques au profit de matière dites « utiles » pour le processus d’orientation. Que signifie une « spécialité » étudiée pendant la seule année de première ?
- Certains recteurs d’académie ont déjà décidé qu’aucune dérogation ne serait plus accordée, interdisant ainsi aux élèves de s’inscrire dans un autre lycée que celui de leur secteur pour y suivre un enseignement de spécialité de leur choix.
- Les lycées seront contraints de regrouper au maximum les élèves et donc de supprimer certaines spécialités, limitant là encore les élèves dans leur choix. Les recteurs risquent d’exiger des seuils pour ouvrir les enseignements de spécialité.
• Le financement des heures d’enseignement artistique n’est plus assuré :
- Actuellement, les interventions artistiques en options facultatives sont financées par le Rectorat et le ministère de la Culture. Avec la réforme, les lycées risquent de devoir financer ces interventions alors qu’ils financent déjà les heures des professeurs avec une marge d’autonomie insuffisante déjà consacrée aux dédoublements, à l’accompagnement personnalisé, et au soutien... Sans texte prescriptif, les chefs d’établissements pourront supprimer les options artistiques ou les réduire à une peau de chagrin. D’ailleurs, la fermeture de nombreuses options facultatives a déjà été annoncée pour la rentrée prochaine !
- Jusqu’à présent, les spécialités artistiques étaient entérinées par une commission interministérielle (Éducation - Culture) pour une durée pérenne. Désormais, les spécialités artistiques seront remises en cause chaque année dans les lycées et pourront être jugées moins rentables que d’autres en raison de leurs effectifs nécessairement plus réduits.
• Le travail des élèves n’est plus gratifié :
- Pour toutes les options facultatives il n’y aura plus d’épreuve au baccalauréat. Ces options ne seront plus évaluées que dans le cadre du bulletin scolaire, et (sauf le latin et le grec), n’apporteront plus de points supplémentaires pour le baccalauréat. Avec cette réforme, la note obtenue en option facultative ne comptera plus que pour 1% de la note finale du baccalauréat contre 5% actuellement.
- Avec Parcoursup, les élèves se trouveront dans la nécessité de « rentabiliser » leurs choix de spécialités. Or les universités ne pourront exiger comme pré-requis d’avoir suivi une spécialité rare. Seuls désormais les élèves se destinant à des métiers artistiques (le savent-ils déjà ?) auraient « intérêt » à choisir une spécialité artistique ; mais ils ne le pourront pas, puisqu’il sera souvent impossible de demander une dérogation pour s’inscrire dans un lycée proposant une spécialité rare ! Pourtant, l’enseignement artistique est un enseignement transversal qui œuvre pour un développement de l’élève dans toutes ses dimensions, quels que soient ses projets professionnels.
• La spécificité des enseignements artistiques n'est pas reconnue dans les propositions de mise en œuvre des options :
- En option facultative de théâtre, l'enseignement est dénaturé et sa qualité profondément altérée : les nouveaux programmes ne garantissent plus le partenariat artistique qui n'est que suggéré et plus systématique. Actuellement ce partenariat garantit la qualité des enseignements artistiques par la présence d’artistes qui transmettent aux élèves leurs compétences et la diversité de leurs esthétiques. De nombreux artistes et directeurs de structures culturelles se mobilisent contre cet aspect de la réforme. Ils rappellent tous les bienfaits que ces enseignements artistiques leur ont apportés dans leur propre parcours.
- En spécialité, les nouveaux horaires réduisent à 4 heures l’enseignement en classe de Première (contre cinq heures jusqu’à présent) : cette réduction, dictée par la mise en cohérence des spécialités, ne permettra plus de maintenir une double exigence théorique et pratique. C'est pourquoi nous demandons le maintien des cinq heures d'enseignement de spécialité en classe de première et l'assurance sur l'ensemble du cycle terminal d'une pratique artistique en partenariat à hauteur de trois heures hebdomadaires.
- L’exigence du regroupement d’un maximum d’élèves pour maintenir une spécialité va à l’encontre de la qualité et de la possibilité même d’une pratique artistique.
Pourtant, comme l’affirme le Ministère de l’Education Nationale, « l'éducation artistique et culturelle est indispensable à la démocratisation culturelle et à l'égalité des chances ».
Les enseignements artistiques produisent des effets remarquables et remarqués sur les élèves, et représentent pour eux une clé de réussite. C’est pourquoi ces enseignements artistiques doivent être protégés et avec eux la démocratisation culturelle et l’égalité des chances.
Signer la pétition sur le site Change.org
Depuis deux ans, le Théâtre Gérard Philipe - CDN de Saint-Denis organise des ateliers avec des lycéens et André Markowicz. Avec cette réforme des lycée, ce travail ne sera désormais plus possible.
Devant la menace qui pèse sur les Options Théâtre dans les propositions actuelles de la réforme du Lycée, nous, personnalités et associations, demandons que le théâtre joue un rôle plus déterminant dans la rénovation des Humanités au XXIe siècle !
Les ministres de l’Éducation nationale et de la Culture ont récemment accordé une place prioritaire au Théâtre dans le plan d’action À l’École des Arts et de la Culture. Ils reconnaissent ainsi les vertus de l’initiation théâtrale et de la lecture adressée dans les apprentissages de tous les élèves.
Or les mesures prises dans le cadre de la réforme du Lycée font craindre un recul, voire un renoncement progressif à ce qui a été patiemment érigé depuis plus de trente ans avec la mise en place de projets innovants et de nouveaux enseignements de théâtre au Baccalauréat. L’ambition a été de construire à travers le partenariat entre le monde artistique et celui de l’enseignement, des solidarités et des démarches conjointes pour promouvoir une éducation par l’Art et donner une place centrale et vivante aux œuvres et à la création, en lien avec des démarches pédagogiques novatrices.
Si nous, artistes, enseignants, directeurs de structures culturelles, directeurs d’affaires culturelles dans les collectivités territoriales, éditeurs, nous sommes engagés depuis des années dans le partenariat entre le Théâtre et l’Éducation, c’est que nous sommes convaincus, comme toutes les évaluations le montrent, qu’il s’agit là pour les élèves d’une expérience où se conjuguent des enjeux fondamentaux, d’ordre artistiques, culturels, sociaux, pédagogiques et politiques.
Nous réaffirmons ici que l’enseignement du théâtre - et par le théâtre -, en partenariat avec les artistes, doit exister au cœur de la réforme pour contribuer avec exigence et ambition à la nécessaire rénovation des Humanités au Lycée :
- il est un domaine artistique qui favorise les interrelations et met en œuvre, dans notre monde contemporain, une éducation non fragmentée, qui développe la quête de sens entre les savoirs, participant ainsi à l’élévation humaine de chacun ;
- il se trouve précisément au carrefour de la langue (voire des langues), de la maîtrise du corps dans l’espace, de la réflexion philosophique et de la citoyenneté : lieu de l’écoute, de l’échange, de l’argumentation critique et de l’acquisition de nombreuses références et connaissances ;
- il construit de multiples compétences chez les élèves et les invite à la prise d’initiative dans une démarche collective et de dépassement de soi.
Monsieur Le Président de la République, Messieurs les Ministres de l’Éducation nationale et de la Culture, nous vous sollicitons pour que tout élève qui se sera engagé dans cet enseignement partenarial puisse être évalué de façon significative au Baccalauréat en faisant part à l’oral de son parcours, de ses découvertes et de son expérience.
En donnant ainsi à chaque élève la possibilité d’être clairement valorisé selon ses acquisitions et sa capacité à contribuer à la réussite collective, vous ferez de ces espaces de découverte et de création théâtrale un des emblèmes de la personnalisation des parcours au Lycée.
Nous, signataires de cet appel, nous engageons à tout mettre en œuvre pour que soit offert au plus grand nombre d’élèves une expérience irremplaçable et unique.
Premiers signataires de l'appel
Ariane Mnouchkine, Robin Renucci, Jean-Claude Grumberg, Michel Vinaver, Joël Pommerat, Jean-Daniel Magnin, Emmanuel Demarcy-Mota, Jean-Pierre Vincent, Arnaud Meunier, Brigitte Jaques-Wajman, Thomas Jolly, Cyril Teste, Olivier Py, Jean-Pierre Siméon, Pierre Notte, Stanislas Nordey, François Regnault, Jean-Michel Ribes, Lucie Berelowitch, Jean Bellorini, Laurence de Magalhaes, Christophe Rauck, Jean-Pierre Baro, Julie Deliquet, Stéphane Brauschweig.