Bal brésilien et solidaire du 31 décembre 2018
Chers amis très proches ou même lointains, pourvu qu'ils soient amis,
Le 1er janvier 2019, le Brésil, un des pays les plus aimés dans le monde, le plus grand pays d'Amérique latine, va entrer dans une des périodes les plus dangereuses et imprévisibles de son histoire.
Jair Bolsonaro sera-t-il seulement une marionnette entre les mains d'un capitalisme débridé ou un caudillo, ou plus vraisemblablement les deux, on ne le sait pas encore. Mais relisons quelques-unes des promesses de celui qui vient de se hisser à la tête du pays, en se faisant élire lors d'une campagne empoisonnée par les mêmes forces mensongères que celles qui intoxiquèrent celles de Donald Trump et du Brexit :
• Réhabiliter la dictature en changeant dans les livres d'histoire la façon dont celle-ci est évoquée à l'école. Encourager les élèves à filmer leurs professeurs afin de mieux les dénoncer si ceux-ci s'opposaient à cette réhabilitation ou au discours dominant sur la morale, l'éducation sexuelle et religieuse• S'opposer à tout assouplissement de la loi sur l'avortement qui est, au Brésil, une des plus restrictives et rétrogrades au monde.
• Tripler le nombre de collèges militaires gérés par l'armée, en en implantant un dans chacune des 26 capitales d'État.
• Libéraliser l'accès aux armes à feu. Ce qui veut dire, dans un des pays les plus violents du monde, répondre à la violence par encore plus de violence.
• Laisser "carte blanche" aux policiers. Un policier, dit-il, qui tuerait dix, quinze, vingt personnes doit être décoré, pas poursuivi.
• Qualifier de terrorisme toute invasion de propriétés rurales ou urbaines, c'est-à-dire interdire à tous les mouvements de Sans-Terre d'exercer leur droit à manifester.
• « Accélérer le grand nettoyage du pays des hors-la-loi gauchistes et des marginaux rouges » en leur laissant le choix entre l'exil et la prison.
• Regrouper les ministères de l'Agriculture et de l’Environnement, ce qui placerait, de fait, les organes de contrôle et de protection de l'environnement, déjà très pusillanimes, sous la tutelle d'un ministère qui est, et cela depuis toujours, sous la férule de l'agrobusiness, c'est-à-dire des premiers responsables de la déforestation de l'Amazonie et de bien d'autres ravages que subissent les Indiens, les Sans-Terre et plus généralement les démunis.
• Autoriser les projets industriels, hydrauliques et miniers dans les zones encore protégées.
• Ne pas rajouter "un centimètre carré" aux domaines que les Indiens ont réussi à garder.
Se lamenter, s'invectiver, rejeter sur ceux-ci ou ceux-là la responsabilité de la catastrophe, tout cela ne sert à rien.
Échafauder des actions globales et globalisantes ne nous appartient pas.
Nous, artistes de théâtre, nous sommes minuscules. Nous pouvons très peu, mais ce n'est pas rien.
Ne laissons pas notre regard s'égarer sur un trop vaste et trop indéchiffrable horizon. Ce qui nous décourage et nous donne prétexte à ne rien faire.
Faisons ce que nous pouvons, ici, et maintenant. Aidons déjà quelques artistes brésiliens à vivre et travailler. Une semaine, un mois, quelques semaines, quelques mois. Ensuite, ici et maintenant, nous verrons bien ce que nous pourrons faire d'autre.
Voilà donc ce que le Théâtre du Soleil a décidé de faire, ici et maintenant :
Un bal. Un bal brésilien. Un bal brésilien et solidaire. Le 31 décembre. Oui, la veille de la prise de pouvoir par un ancien capitaine de l'armée, nostalgique notoire de la dictature militaire et fasciste qui a tenu le Brésil sous le joug de 1964 à 1985.
Des musiciens brésiliens viendront spécialement jouer pour cette occasion. Des acteurs du Soleil, et d'ailleurs, chanteront. Une Batucada nous soulèvera. On jouera, on dansera toute la nuit ou au moins tant qu'il y aura des danseurs encore vaillants.
Nous préparerons un beau et bon repas brésilien avec sa version végétarienne. Il y aura du vin. Il y aura aussi évidemment des caïpirinhas qui, elles aussi, seront solidaires, c'est-à-dire qu'elles seront payantes. Mais tellement délicieuses ! Et, au petit matin, pour les plus courageux, du café, du pain, du beurre et de la confiture.
Tout cela coûtera 50 euros. Rien n'empêchera ceux qui le peuvent de payer un peu ou même beaucoup plus.
Nous ne laisserons pas la Samba mourir !
Pour réserver, car il faut absolument réserver, vous n'avez qu'à téléphoner au 01 43 74 24 08, tous les jours de 11h à 18h.
Flavia Enne, voix, percussion / Wladimir Pinheiro, voix, piano / Marcello Sader voix, guitare / Daniel Oliveira, voix, percussion