Le 17 juin 2020
Ariane Mnouchkine pendant la manifestation en soutien à l'hôpital public. Photo Antoine Agoudjian
Le théâtre reprend ses droits sur la place publique en accompagnant les revendications des soignants, dans le défilé de protestation appelé par les organisations syndicales du personnel hospitalier et par les professionnels de la santé. Les « héros » de la « guerre » contre le covid 19 ne demandent pas qu’on leur dresse des statues ni qu’on leur distribue des médailles. Ils revendiquent simplement qu’on reconnaisse leur travail à sa juste valeur. Et qu’on leur redonne les moyens matériels de faire leur métier. « Blouses blanches colère noire ! » affichait une des banderoles. Plus loin des couturières en colère masquées demandent justice : « Bas les masques ! » Et « Les lobbies trinquent à notre santé ! » dénoncent des Gilets Jaunes. Partis du Ministère des Solidarités et de la Santé, avenue de Ségur à Paris (VII ème) les manifestants ont marché vers la place des Invalides.
« Nous ne pouvons pas nous accommoder d’autant d’injustice dans la suite des événements », disait hier, le philosophe Mathieu Potte-Bonneville à la rencontre L’Urgence des alliances au Théâtre de la Ville, Espace Pierre Cardin. Comme en résonance, le Théâtre du Soleil a personnifié la Justice avec une poupée géante de femme toute en blanc, luttant contre des corbeaux noirs baptisés : Cynisme, Infantilisation, Cruauté, Arrogance, Irresponsabilité, Infantilisation… Du sang coule sur son visage. manipulée par les comédiens, c’est une figure de la France populaire blessée, combattive autant que meurtrie; elle brandit son glaive au son des tambours. La balance de la Justice veille sur ses gestes, à la fois gracieux et guerriers, orchestrés par Ariane Mnouchkine, pleine d’énergie au milieu de sa troupe.
Maurice Durozier pendant la manifestation en soutien à l'hôpital public. Photo Antoine Agoudjian
« Je ressens de la colère, une terrible colère et, j’ajouterai, de l’humiliation, comme citoyenne française devant la médiocrité, l’autocélébration permanente, les mensonges désinformateurs et l’arrogance obstinée de nos dirigeants », disait-elle dans un long entretien avec Télérama en mai, quand elle se relevait tout juste d’une attaque de coronavirus. « Au réveil, j’ai fait la bêtise de regarder les représentants-perroquets du gouvernement sur les médias, tout aussi perroquets. » (…) « Quand, dans mon petit monde convalescent, sont entrés en piste ceux que je surnomme les quatre clowns : le directeur de la Santé, le ministre des Solidarités et de la Santé, la porte-parole du gouvernement avec, en prime, le père Fouettard en chef, ministre de l’Intérieur, la rage m’a prise. »
En tête de la manifestation, le théâtre, déconfiné et solidaire de ceux qui, trois mois durant, ont bataillé contre le virus, leur prête une voix poétique. Sur une banderole, sont inscrits ces vers d’une étonnante actualité vingt-cinq siècles après de l’Agamemnon du célèbre dramaturge grec Eschyle : « Lourde est la profération coléreuse des citoyens. Il faudra payer le prix de la malédiction populaire. »
Mireille Davidovici et Marie-Agnès Sevestre, pour le Théâtre du blog.
Simon Abkarian pendant la manifestation en soutien à l'hôpital public. Photo Antoine Agoudjian
Archive Théâtre du Soleil.