25 septembre 2019
« Les intellectuels ont une mentalité plus totalitaire que les gens du commun » écrivait Georges Orwell (1903-1950), dans Essais, Articles et Lettres.
Des militants, obsédés par l’identité, réduite à l’identitarisme, et sous couvert d’antiracisme et de défense du bien, imposent des idéologies racistes par des procédés rhétoriques qui consistent à pervertir l’usage de la langue et le sens des mots, en détournant la pensée de certains auteurs engagés dans la lutte contre le racisme qu’ils citent abondamment comme Fanon ou Glissant qui, au contraire, reconnaissent l’altérité et prônent un nouvel universalisme.
Parmi ces militants, le Parti des indigènes de la République -dit le PIR- qui s’inscrit dans la mouvance « décoloniale ».
La pensée dite « décoloniale » s’insinue à l’Université et menace les sciences humaines et sociales sans épargner la psychanalyse. Ce phénomène se répand de manière inquiétante et nous n’hésitons pas à parler d’un phénomène d’emprise qui distille subrepticement des idées propagandistes. Ils véhiculent une idéologie aux relents totalitaires.
Réintroduire la « race » et stigmatiser des populations dites « blanches » ou de couleur comme coupables ou victimes, c’est dénier la complexité psychique, ce n’est pas reconnaître l’histoire trop souvent méconnue des peuples colonisés et les traumatismes qui empêchent la transmission.
Une idéologie qui nie ce qui fait la singularité de l’individu, nie les processus toujours singuliers de subjectivation pour rabattre la question de l’identité sur une affaire de déterminisme culturel et social.
Une idéologie qui secondarise, voire ignore la primauté du vécu personnel, qui sacrifie les logiques de l’identification à celle de l’identité unique ou radicalisée, dénie ce qui fait la spécificité de l’humain.
Le livre de Houria Bouteldja, porte-parole du PIR, intitulé Les Blancs, les Juifs et nous. Vers une politique de l’amour révolutionnaire (La Fabrique, 2016), soutenu par des universitaires et des chercheurs du CNRS, prétend défendre les victimes - les « indigènes » - alors qu’il nous paraît en réalité raciste, antisémite, sexiste et homophobe et soutient un islamisme politique. L’ensemble du livre tourne autour de l’idée que les descendants d’immigrés maghrébins en France, du fait de leurs origines, seraient victimes d’un “racisme institutionnel” - voire un racisme d’Etat-, lequel aboutirait à véritablement constituer des “rapports sociaux racistes”.
L’auteure s’adresse aux « Juifs » : « Vous, les Juifs » : des gens qui pour une part seraient étrangers à la « blanchité », étrangers à la « race » qui, depuis 1492, dominerait le monde (raison pour laquelle elle distingue les « Juifs » des « Blancs »), mais qui pour une autre part sont pires que les « Blancs », parce qu’ils en seraient les valets criminels.
Fanon, auquel les décoloniaux se réfèrent, ne disait-il pas : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ».
Le racialisme pousse à la position victimaire, au sectarisme, à l’exclusion, et finalement au mépris ou à la détestation du différent, et à son exclusion de fait. Il s’appuie sur une réécriture fallacieuse de l’histoire qui nie les notions de progrès de civilisation mais aussi des racismes et des rivalités tout aussi ancrés que le racisme colonialiste.
C’est par le « retournement du stigmate » que s’opère la transformation d’une identité subie en une identité revendiquée et valorisée qui ne permet pas de dépasser la « race.
Il s’agit là, « d’identités meurtrières » (Amin Maalouf) qui prétendent se bâtir sur le meurtre de l’autre.
Ne nous leurrons pas, ces revendications identitaires sont des revendications totalitaires, et ces dérives sectaires, communautaristes menacent nos valeurs démocratiques et républicaines en essentialisant les individus, en valorisant de manière obsessionnelle les particularités culturelles et en remettant à l’affiche une imagerie exotique méprisante que les puissances coloniales se sont évertuées à célébrer.
Cette idéologie s’appuie sur ce courant multiculturaliste états-unien qu’est l’intersectionnalité en vogue actuellement dans les départements des sciences humaines et sociales. Ce terme a été proposé par l’universitaire féministe américaine Kimberlé Crenshaw en 1989 afin de spécifier l’intersection entre le sexisme et le racisme subi par les femmes afro-américaines. La mouvance décoloniale peut s’associer aux « postcolonial studies » afin d’obtenir une légitimité académique et propager leur idéologie. Là où l’on croit lutter contre le racisme et l’oppression socio-économique, on favorise le populisme et les haines identitaires. Ainsi, la lutte des classes est devenue une lutte des races.
Des universitaires, des chercheurs, des intellectuels, des psychanalystes s’y sont ralliés en pensant ainsi lutter contre les discriminations. C’est au contraire les exacerber.
Isabelle de Mecquenem, professeure agrégée de philosophie, a raison de rappeler que « emprise » a l'avantage de faire écho à l'article L. 141-6 du code de l'éducation. Cet article dispose que « le service public de l'enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique (…) ». Rappelons que l'affaire Dorin à l'Université de Limoges relève d'une action sectaire (propagande envers les étudiants avec exclusion de toute critique).
Il est impérieux que tout citoyen démocrate soit informé de la dangerosité de telles thèses afin de ne pas perdre de vue la tension irréductible entre le singulier et l’universel pour le sujet parlant. La constitution psychique pour Freud n’est en aucun cas un particularisme ou un communautarisme.
Nous appelons à un effort de mémoire et de pensée critique tous ceux qui ne supportent plus ces logiques communautaristes et discriminatoires, ces processus d’assignation identitaire qui rattachent des individus à des catégories ethno-raciales ou de religion.
La psychanalyse s’oppose aux idéologies qui homogénéisent et massifient.
La psychanalyse est un universalisme, un humanisme. Elle ne saurait supporter d’enrichir tout « narcissisme des petites différences ». Au contraire, elle vise une parole vraie au profit de la singularité du sujet et de son émancipation.
Retrouvez le manifeste sur le portal de la psychanalyse francophone en suivant ce lien ou dans la tribune parue dans le journal Le Monde
La rengaine sur la colonisation et l’esclavage est devenue un fonds de commerce, Fatou Diome, Le Monde, 25 août 2019