Le 17 janvier 2025
Le 16 novembre dernier Boualem Sansal a été arrêté à l’aéroport d’Alger par les autorités algériennes. Le 26 novembre il s’est vu notifier un mandat de dépôt par la justice algérienne. Le comité de soutien, créé à l’initiative de la Revue politique et parlementaire, présidé par Catherine Camus, fille d’Albert Camus, demande aux autorités françaises de tout mettre en oeuvre pour que Boualem Sansal soit libéré le plus rapidement.
Liste des signataires sur le site de la Revue politique et parlementaire
Kamel Bencheikh, écrivain : « La liberté de Boualem Sansal est la nôtre. Son combat est notre combat. Nous ne le laisserons pas seul »
Tribune parue dans Le Monde, 16 janvier 2025
Alors que le sort de l’écrivain, emprisonné depuis deux mois par le régime algérien en vertu d’un article du code pénal qui réprime les atteintes à la sûreté de l’Etat, est toujours incertain, son ami et confrère appelle, dans une tribune au « Monde », à ne pas relâcher la mobilisation en faveur de sa libération.
Le 16 janvier 2025 marque un tournant tragique, un jour où l’ombre de l’injustice s’alourdit sur l’horizon : deux mois déjà que Boualem Sansal, plume incandescente et farouche défenseur de la laïcité, de la justice, et de l’humanité, est enfermé dans les geôles algériennes. Un écrivain, un homme de pensée et d’action, un ami. Boualem est pris au piège d’un régime qui, dans sa fébrilité autoritaire, n’a plus d’autre réponse que la répression à chaque souffle d’air libre.
Son arrestation, survenue à son arrivée d’un vol en provenance de Paris, est la dernière scène d’une tragédie politique qui se joue depuis trop d’années sur cette terre d’Algérie en quête de liberté. Derrière le masque d’une dispute diplomatique, comme cette querelle sur la question du Sahara, se cache la volonté de faire taire une voix trop libre, un esprit trop indépendant.
Boualem Sansal, ce n’est pas qu’un nom sur la couverture d’un livre. C’est une conscience qui traverse les frontières, qui brise les silences et dénonce les failles des systèmes, qu’ils soient politiques, religieux ou sociaux. Dans chacune de ses œuvres, l’écho de la liberté résonne, fort, pur et inaltérable.
Boualem écrit pour libérer l’âme humaine, pour secouer les consciences et inviter à la résistance face à la tentation du totalitarisme, à la soumission des esprits. Son œuvre, traduite dans de nombreuses langues, est un cri de révolte contre l’extrémisme, la peur et les forces de l’obscurantisme. Elle nous rappelle sans cesse l’urgence de défendre la démocratie et les droits humains, ces biens précieux que l’on prend trop souvent pour acquis. Boualem, dans sa quête de vérité, a pris le risque de se dresser contre ceux qui abusent du pouvoir, et ce courage a un prix.
Car sa pensée est une arme, et le régime algérien, incapable de supporter la moindre critique, a décidé de lui imposer le silence. Ses écrits sur la laïcité, sur les dangers de l’islamisme, sur l’urgence d’une Algérie libre et démocratique sont devenus des épées de Damoclès suspendues au-dessus de lui. Mais Boualem, loin de courber l’échine, a choisi de défendre la parole, la sienne, la nôtre. Il a choisi de ne jamais se taire.
Pour moi, Boualem Sansal n’est pas seulement l’écrivain que l’on dévore dans le silence d’un salon, il est un ami, un compagnon de lutte pour des idéaux universels, ceux qui nous unissent dans l’amour de la liberté, de la dignité humaine, de la pensée libre et du droit à l’indépendance. Nos échanges, nos discussions sans fin sur ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, resteront gravés en moi comme autant de balises dans cette nuit politique.
A présent, alors qu’il est derrière les barreaux, qu’il est privé de la liberté qui lui est si chère, je ressens à la fois cette douleur qui m’envahit et la flamme vivace qui m’incite à poursuivre la lutte. Je me souviens aussi de la naissance du comité de soutien international à Boualem Sansal, cette initiative née dans les colonnes de la Revue politique et parlementaire, aujourd’hui portée par plus de 1 200 voix : écrivains, artistes, intellectuels, citoyens du monde, tous réunis dans un même élan de solidarité.
Leur engagement incarne ce que nous savons : la liberté de Boualem est la nôtre. Son combat est notre combat. Nous ne le laisserons pas seul, car la liberté d’un homme est celle de tous. Ce que je veux aujourd’hui, c’est un appel, un cri. A vous, les démocrates, les épris de justice, à vous tous qui croyez en une humanité libre, digne et égale, je dis : réveillez-vous !
Boualem doit entendre vos voix. Qu’elles grondent dans les lieux de pouvoir, dans les rues, dans les journaux. Que son nom résonne dans toutes les luttes, que ses oppresseurs entendent que nous ne permettrons pas que la censure et la tyrannie continuent de marquer la vie de ceux qui, comme Boualem, ne se résignent pas.
Boualem Sansal n’est pas un simple écrivain incarcéré. Il est le porteur de notre révolte commune. Il est le symbole de cette lutte contre l’oppression, contre le silence imposé, contre l’obscurité. En ce 16 janvier 2025, élevons son nom au-dessus des murs qui l’isolent, et faisons résonner son message de liberté. Nous ne lâcherons rien. Pour Boualem, pour l’Algérie, pour nous tous.
Kamel Bencheikh, écrivain franco-algérien, est l’auteur, notamment, de « L’Islamisme ou la crucifixion de l’Occident » (préface de Stéphane Rozès, Editions Frantz Fanon, 2024)