Le 08 avril 2022
Enlevé et torturé de 1977 à 1980 dans les geôles uruguayennes, le musicien, prisonnier politique libéré en 1980, se réfugie en France où il sera naturalisé en 1985. Il est mort le 7 avril 2022, à l’âge de 85 ans.
Miguel Ángel Estrella en 2011 - CC BY-SA 3.0, Wikimedia CommonsFile
Pianiste
Réfugié argentin de 1981 à 1985
Il est né le 8 juillet 1936, à San Miguel de Tucumán (nord-ouest de l’Argentine). La musique l’attire très jeune et il décide de devenir pianiste. Pendant ses études au conservatoire de Buenos Aires, il joue dans les bidonvilles avec son épouse, essayant de mettre la musique à la portée de tous. Cette attitude leur vaut d’être considérés comme des communistes par les régimes autoritaires qui se succèdent au fil des coups d’Etats.
Miguel Angel Estrella poursuit ses études de musique à Paris à partir de 1965 mais il désire rentrer en Argentine malgré la dictature. En 1976, il est poursuivi par la Junte au pouvoir. Il quitte le pays mais est arrêté en Uruguay en 1977. Pendant plusieurs années il fait partie des 30.000 « disparus » de la dictature argentine, poursuivis jusque dans les pays voisins dans le cadre de l’Opération Condor, par laquelle les services de sécurité militaires de l’Argentine, du Chili et de l’Uruguay pourchassent les opposants.
Une intense campagne de solidarité se développe et, grâce à cette campagne, sa détention dans la prison de Libertad est officialisée. Il est libéré en février 1980 et se rend en France où il est reconnu réfugié par l’Ofpra en 1981.
Lui qui avait continué à jouer dans sa cellule avec un clavier muet, travaille intensément pour récupérer ses mains abimées par les tortures. Il reprend les concerts en 1982 et, pour remercier le monde musical de l’avoir "sauvé de l’enfer", il créé Musique Espérance, une Fondation qui vise à faciliter l’accès à la musique pour tous et le respect de la dignité humaine. Naturalisé français en 1985, il continue de jouer et de faire campagne pour rendre la musique accessible aux catégories sociales les plus marginalisées. Nommé Ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO en 1989, il crée l’Orchestre pour la Paix, composé de jeunes musiciens chrétiens, musulmans et juifs. Il a reçu en l’an 2000 le Prix Nansen et le Prix des Nations Unies pour les Trois Amériques. En 2003, Il devient ambassadeur d'Argentine à l'UNESCO. Il fut également membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine, et Chevalier de la Légion d'honneur.
Source OFPRA
• Marie-Aude Roux, Le Monde, 8 avril 2022
Mort de Miguel Angel Estrella, pianiste engagé