En travaillant cette semaine avec le Théâtre Aftaab, je découvre à la fois ce qu’ils sont et ce que nous sommes. Leur manque, leur drame, leur courage, leur humour me bouleversent. En recollant devant mes yeux, le miroir brisé de leur destin, ils me renvoient, bien entendu au nôtre. Non, je ne peux pas me mettre à leur place, mais je pourrais bien m’y trouver.
Je n’aurai jamais cru que le théâtre, avec des histoires si sombres, m’emmènerait dans cette part si délicate de l’être. Redécouvrir la sensualité initiatique d’un slow, s’abandonner à l’amour d’une mère par Skype, sentir que le combat de l’humanité est au-dessus des religions, des classes, des clans, des sexes.
Oui, ils ont raison, nos jeunes amis Afghans, le bonheur est inévitable, tout comme la réconciliation !
C’est paradoxal, mais ce sont elles, ce sont eux qui, aujourd’hui, nous réapprennent la force du désir. C’est un spectacle éclair, chaque scène est porteuse d’un vœu, d’une espérance en l’homme. On a la sensation d’être une nuit une pluie d’étoiles. On les attend, il ne faut les rater à aucun prix, soudain elles tombent, on les dit filantes, oui comme le temps, elles nous illuminent, nous surprennent et se désintègrent. On regarde, ému, émerveillé ce ballets d’étoiles. Et jamais ne nous viendrait à l’idée qu’un jour l’une d'elles pourrait nous tomber sur la tête !
En assistant à ce choc culturel, cette bataille des corps et des mondes, tout en revivant avec un plaisir innocent ce qui dans notre jeunesse a été fondateur, les simples valeurs de la vie s’impriment en lettres d’or : combat pour la dignité, désir d’apprendre, et amour de la liberté.
Il y a aussi, comme un flash, cette photo du Mahatma Gandhi avec Abdul Gafhar khan, deux personnages de l’Indiade et de leur sub-continent. Tout est là ! Lui, le géant Badshar khan, le leader Pathan, avec la complicité de son pot, Gandhi le Chaplin nu, avaient converti son peuple à la non-violence. Les Pathans sont les Patchtouns du Pakistan, l’ethnie d’où viennent les Talibans, tout de même. L’alliance et l’amitié entre ces deux immenses freedom fighters, en son temps, avaient changé le cours de l’histoire.
Ce spectacle qui est en train de naître, cette ronde de nuit est mythologique, épique, énergétique, d’une bienveillance, d’une honnêteté, d’une légèreté et d’une humilité totale. C’est ce dont nous avons le plus besoin en ce moment, non ?
« Alors on pourrait faire une ronde autour du monde
Si tous les gars du monde voulaient s' donner la main. »
Paul Fort