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Synopsis

Comment redonner corps à l'espérance ?

Le déclic est venu de la lecture d'un roman posthume de Jules Verne, Les Naufragés du Jonathan, qui dépeint une micro société de migrants s'édifiant, vaille que vaille, après avoir échoué au cap Horn; dernière chance rousseauiste en réaction à une accumulation redoutable de progrès...

Une équipe d'un Septième Art encore balbutiant et parfaitement muet, ayant échappé à l'emprise de Pathé, tourne durant l’été 1914 dans une guinguette des bords de Marne, flanquée d’un “Cabaret artistique“ appelé Le Fol Espoir devenu studio amateur, les aventures du navire et de ses passagers (de la cantatrice au bagnard), partis de Cardiff en 1895 pour se fracasser du côté de la Terre de feu durant l'hiver austral.

Sous la verrière (qui peut évoquer le théâtre de prises de vue de Georges Méliès à Montreuil) et dans le savant désordre du grenier de Félix Courage (à l’image du grenier du Vieux-Colombier où Jean Renoir tournât La Petite Marchande d’allumettes), le metteur en scène Jean La Palette, sa sœur Gabrielle et leur bras droit Tommaso fixent sur la pellicule une fable politique optimiste, destinée à l'éducation des masses.

On assiste donc à une mise en abyme, une histoire dans l'histoire (dans l'histoire, etc.), un emboîtement sans fin : des passionnés de cinéma tournant un film dont ils interprètent eux-mêmes, acteurs ou non, les personnages.

Alternent alors en deux géographies, sous deux latitudes, deux modes de jeu :
-au Fol espoir, le “parlé“ : la vie qui bat son plein sur le lieu du tournage de cette troupe improvisée de cinéastes socialistes décidés à faire du cinéma d’éducation et de récréation populaire,
-en Magellanie, le “muet“ : le tournage de certains épisodes de ce grand film d’art, ponctués d’intertitres à la graphie surannée où s'inscrivent les dialogues du film en train de se faire, tel qu'il serait plus tard projeté en salle, alors que les acteurs remuent des lèvres coites, écarquillent des yeux, tremblent et s'agitent tels les pantins grotesques et terrifiants de la belle époque du muet.

Il y a ceux qui tournent en même temps que ce qui est tourné — derrière et devant la caméra — et une voix “off“ qui résonne pour présenter l'action tout en permettant les accélérations nécessaires que des ellipses rendraient incompréhensibles.

Le tournage commence le 28 juin 1914, date de l'attentat de Sarajevo qui met le feu aux poudres du Vieux Continent. Il s'achève avec l'assassinat de Jaurès (31 juillet) et la mobilisation générale du 1er août, saluée par toutes les cloches de France. L'allégorie du naufrage est filmée un rythme d'enfer pendant ces cinq semaines de marche à la guerre.


Au Fol Espoir (1914)
La Belle Equipe au travail dans le théâtre de prises de vue, sa joie, ses espérances, ses découvertes… et la marche à la Guerre.

« Le Fol Espoir était le nom de la plus belle guinguette des bords de la Marne. Elle était tenue par Félix Courage, un petit homme doué pour le bonheur et amoureux passionné de cet art encore naissant à l'époque : le cinématographe. C'est donc tout naturellement qu'il avait offert son personnel et son grenier, gratis, à une équipe de cinéastes. C'était les LaPalette, frère et soeur, Jean et Gabrielle, et leur ami d'enfance, Tommaso. Pour des désaccords artistiques et politiques, ils venaient de quitter avec fracas la puissante maison de production Pathé, et, sans Félix, ils eussent été sans lieu et sans avenir. Félix avait tout collectionné dans l'espoir d'installer dans son grenier un Cabaret Artistique, comme on disait à l'époque. Il y avait même un peintre russe…qui avait, paraît-il, travaillé pour le grand Diaghilev, lui-même ! Schubert qui était acteur, lui, et Louis Demestère, le bonimenteur de chez Félix devaient jouer les deux cousins Archiducs. »

« Et à la volée, Jean commença à distribuer la suite du film. Ravi, le chef des commis allait jouer le Capitaine. La petite cascadeuse serait Amalia. Ulysse le sommelier serait Ceyrac. Rosalia jouerait Louise, sa femme. Adèle héritait du rôle d’Anna l’institutrice. Bonheur, le petit commis cambodgien jouerait le jeune Indien. Marthe, le bras droit de Félix, serait Gervaise. Et Alix, le régisseur de Jean jouerait Monsieur Jones, l'émissaire anglais, un autre assassin et Antoine, le chauffeur des Gautrain. Schubert présenta Marguerite. La belle italienne qui lavait les sols chez Felix, la souillon comme on disait à l’époque, serait Rachel, la cantatrice. »

« Tout le monde voulait un rôle, tout le monde aurait un rôle. Jean avait tout accepté, il n’y avait plus le temps pour des caprices. Ezsther, la caissière hongroise insistait pour jouer l'infirmière, Suzanne aussi. On aurait de la concurrence. Jeannot, le petit vendeur de journaux, jouerait Billy the mousse. »

Le tournage est rythmé par ce que vit chaque jour l’équipe de cinéma. C’est ainsi qu’on assiste à la distribution des rôles aux travailleurs de la guinguette, ces “bouilles“ chères à Jean — blanchisseuse, cuisinier, charbonnier, bonimenteur… — à une démonstration de deux cascadeuses tout droit sorties du cirque ambulant voisin, à l’audition d’un peintre russe qui s’improvise acteur bien malgré lui, ou encore à l’attribution d’un rôle majeur au plus parfait des amateurs (un serveur de la guinguette) plutôt qu’à l’acteur confirmé.

Il y a des gags (roustes, mornifles, taloches et tartes à la crème qui peuvent nous entraîner pour un temps dans l'univers de Buster Keaton et Fatty Arbuckle), il y a des drames (la mort et la folie de l'or peuvent nous rappeler, en plus réfrigéré, Les Rapaces de Stroheim), il y a des morceaux de bravoure (le navire au fond des mers empli de noyés pensifs), il y a des coups de reins dans tous les coins (la tragédie est érotique et la chimère aphrodisiaque)…

Comme au temps du muet, Jean intervient à haute voix pendant le tournage en donnant aux acteurs et aux techniciens des indications (braquer la poursuite au bon endroit, rester dans le cadre, sortir du champ…) ; Gabrielle porte la blouse blanche des chefs opérateurs de l’époque ; la caméra à manivelle avec laquelle elle filme — parfois sur une caisse à roulette pour suivre le vol d’un oiseau, inventant ainsi le travelling, parfois suspendue sur un ancêtre artisanal de la grue, inaugurant ainsi les panoramiques en plongée — est une caméra Pathé de 1912 ; des toiles peintes panoramiques et “raccordables“ sont utilisées comme décors. Il faut parfois “tricher“ quand elles sont trop petites, marcher en se baissant progressivement pour faire croire qu’on descend un escalier, ramasser toute la “neige“ parce qu’elle “vaut une fortune“, utiliser un navire miniature dans une bassine d’eau pour filmer la tempête… L’accent est mis sur l’artisanat du cinéma, les techniques humbles et inventives avec lesquelles ces “indépendants du premier siècle“, véritables pionniers, sans grands moyens, faisaient naître la “magie du cinéma“, celle de faire tourner un ventilateur, de secouer des morceaux de papier blanc, ou d’agiter des robes et des manteaux avec un fil de soie pour déchaîner tempêtes de neiges et bourrasques glacées.

« Jean avait fait un discours. Il leur avait parlé de socialisme, de coopérative, de fraternité. De lutte infatigable. Il leur avait parlé d'Europe, de monde futur, de la France, d'art, de cinématographe. Il leur avait parlé aurores, aéroplanes, téléphone. Il leur avait parlé du progrès qu'on n'arrêterait plus, de la médecine qui bientôt guérirait toutes les maladies, du bonheur dans lequel allaient vivre les générations prochaines. »

« Aphrodite, déesse du cinéma, s'était emparée d'eux et les tenait à sa merci. Personne ne pourrait plus retenir ce fleuve de passion qui inondait le plateau du Fol Espoir. »

« Louis avait dessiné le décor, Vassili avait peint un ciel de Départ. On faisait de l’art, on faisait de l'art populaire, on faisait du cinématographe, on était heureux. »


Des menaces pèsent sur cette communauté d’artistes luttant pour continuer à créer une œuvre qui célèbre le courage des pionniers et la puissance des idéaux. Ces menaces entrent en résonance avec le goût du pouvoir, la soif de richesse et l’individualisme qui corrompent le rêve des naufragés de bâtir une société plus juste. Les difficultés auxquelles est confrontée l’équipe du film (incendie détruisant une bobine, violente dispute entre deux acteurs sur le pacifisme, manque de moyens) révèleront dans l’adversité ce qui finalement fait tenir cette Belle Equipe jusqu’au bout : la haute ambition artistique et éthique d’un film d’art, que tous, volontaires et enthousiastes, souhaitent achever, envers et contre tout.

« On était le 18 juillet. Le film avançait. Rien ne devait les arrêter. Tout le monde sentait que le temps pressait, mais personne n'osait le dire. »

« Jérôme avait traité Ulysse de pacifiste. Il avait ainsi introduit dans la maison la grande querelle qui couvait en France depuis longtemps. Pouvait-on être pacifiste sans être traître et déserteur ? Pouvait-on être patriote sans n'être qu'un bourgeois nationaliste et obtus. Marx avait dit que les ouvriers n’avaient pas de patrie. Jaurès disait qu’ils en avaient une, puisqu’ils partageaient une langue et une mémoire. Le monde s'apprêtait à entrer dans un long tunnel de sang et d'ombre et dans les familles on se traite de voyou, de déserteur, de lâche, de renégat, ou au contraire d’excité, d’imbécile, d’exploiteur. »

« Ils étaient soulagés, ils étaient réunis. Et il n’y aurait pas de guerre sous ce toit. »

« Le film prenait une couleur sombre qui ne leur déplaisait pas. En ce 29 juillet, il faisait une chaleur qu'ils avaient oubliée dans les glaces. Ce soir Jean n'avait pas lancé son fameux "Nous poursuivons". Alors tous espéraient un bon dîner chez Félix et une baignade. Ils l'avaient bien mérité. »

« On leur avait tué Jaurès. Jean proposa de voter à bulletin secret pour décider s'il fallait continuer. On devrait couper de nombreux épisodes. On ne verrait pas la scène du malentendu terrible, ni celle de Billy the mousse et Amalia, les amoureux glacés dans le vent, on ne tournerait pas la fête de remerciement aux Indiens, Thanksgiving, comme disait Miss Mary. La mobilisation était pour demain, après-demain au plus tard. Les jeunes partiraient dans la semaine, les plus vieux dans le mois. Certains étaient déjà dans leurs casernes. Bien sûr, on ne partait pas pour longtemps, on serait de retour avant Noël, mais tout de même, quelle tuile ! Il fallait faire un concentré de concentrés comme disait Louis. Toutes les catastrophes finales seraient traitées en un seul épisode. Et puis on terminerait par la construction du phare du bout du monde. »


Les échos du dehors viennent d’abord seulement ponctuer le travail des cinéastes et personne n’y prête une grande attention. Seul Tommaso, le fidèle ami, reste scrupuleusement attentif aux titres, dépêches et tribunes de L’Humanité de Jaurès ou de L’Homme Libre de Clémenceau. Mais, à mesure que la menace de la guerre se fait de plus en plus sentir, jusqu’à l’ultimatum de l’Autriche à la Serbie le 29 juillet, l’assassinat de Jaurès le 31 juillet et la mobilisation, dans le studio, le tournage s’accélère par manque de temps et pénurie de matériel. On assiste au départ de Josef, le serveur autrichien, et, au lieu d’aller se baigner dans la Marne, l’équipe enchaîne et condense les dernières scènes voulues de son film en un unique et héroïque plan séquence.

« On était le 29 juin 1914. Dans l'après-midi, les journaux avaient annoncé l'assassinat à Sarajevo de François-Ferdinand, l’héritier du trône austro-hongrois, et de sa femme. Personne n’avait d’affection particulière pour ce François-Ferdinand qui, contrairement au Rodolphe du film, n'était, selon Tommaso, qu'un véritable salopard. Mais cet attentat, commis contre l’Autriche par un Serbe de Bosnie, s’il était manipulé par l’Allemagne pour punir la Serbie toute entière, pouvait se révéler lourd de conséquences. »

« Flora comme toujours apportait "L'Humanité", le journal de Jaurès, à Tommaso. Elle aurait bien aimé savoir ce qui avait tant inquiété les clients en bas. C'est que, comme l’avait prévu Tommaso, qui était un fin politique, Guillaume II avait sauté sur l’occasion de punir la Serbie et fait dire à l'Empereur François-Joseph qu'il "se tiendra en toutes circonstances fidèlement aux côtés de l'Autriche-Hongrie." C’était donner carte blanche à l’offensive. »

« Les nouvelles se pressaient. Dans "L'Homme libre", le journal de Clémenceau, on pouvait lire ce matin-là : "Ce serait la plus grande faute de faire de l'attentat de Sarajevo le prétexte à une politique agressive envers tous les Serbes et de réaliser ainsi précisément ce que voulaient les meurtriers : creuser l'abîme entre deux nations de l'Empire. Vouloir provoquer la guerre de deux peuples, voire de toute l'Europe, à cause du crime commis par un petit groupe de fous et d'énergumènes serait un crime plus horrible encore. Ce serait remettre aux mains des fous et des criminels les destinées des nations et de toute la famille humaine." »

« Il y avait quand même aussi de bonnes nouvelles ! En ce 16 juillet 1914, Jaurès venait de parler au Congrès du Parti socialiste. En quelques mots, il avait défini le but internationaliste de ce Congrès. Les millions de socialistes européens étaient résolus à combattre l’impérialisme et la guerre. Oui, on était des millions en Europe, unis par la parole de Jaurès. Et tous étaient d’accord pour affirmer que la guerre est le fruit du malaise social qui lui-même est le fruit inévitable des appétits capitalistes. Ils ne voteraient pas le budget de l’Etat bourgeois ! Ils n'accorderaient pas de crédits aux oeuvres de mort. On organiserait des manifestations internationales. On parlait de grève générale européenne ! On éviterait l'abîme. »
« En ce 26 juillet 1914, comme une araignée noire, la guerre se balançait au-dessus d’eux. Mais voilà que Jaurès était parti à Berlin. ll voulait s'assurer de la détermination des socialistes allemands à s'opposer à toute volonté belliqueuse. II ne les lâchait pas ! On ne laisserait pas les gouvernants verser le sang de 37 peuples. Malgré la presse réactionnaire qui diffamait la juste cause populaire, et malgré les gendarmes, les grandes manifestations socialistes pour la paix avaient eu un succès digne de leur grand objet. Non il n’y aurait pas la guerre. Ce siècle serait le plus beau qu’ait connu l’humanité jusqu’à présent. »

« Les nouvelles étaient plus calmes. La raison semblait regagner du terrain. On disait maintenant que l’Autriche était prête à discuter avec la Serbie. On espérait. »

« L'Autriche venait d'adresser à la Serbie un ultimatum grossier et humiliant. L'avenir s'emplissait de menaces, et dans "L'Humanité" Jaurès écrivait en ce 29 juillet : "Si la guerre éclate, comme elle semble devoir le faire entre la Serbie et l’Autriche, le conflit s’étendra nécessairement au reste de l’Europe… Nous avons contre la paix, contre la vie des hommes à l’heure actuelle des chances terribles et contre lesquelles il faudra que les prolétaires de l’Europe tentent tous les efforts de solidarité suprême qu’ils pourront tenter. L'Autriche invoquera le traité d’alliance qui l’unit à l’Allemagne ; mais alors la Russie invoquera le traité qui l'unit à la France et dira à la France : 'j’ai contre moi deux adversaires, l’Allemagne et l’Autriche, il faut que la France vienne prendre place à mes côtés.' Alors c'est l’Europe en feu, c’est le monde en feu." »

En Magellanie (1889-1895)
La grande œuvre à réaliser, l’utopie à conquérir

Ce qu’il reste du grand film de Jean LaPalette, comme miraculeusement retrouvé, consiste en une série de neuf feuilletons dont le registre passe du mélodrame (L’Embarquement des émigrants) au burlesque (Le Partage forcé), en passant par le drame naturaliste (La Mission patagonienne), ou encore le romantisme historique (Le Naufrage, La Ruée vers l’or).

Premier feuilleton - Le Manifeste de Mayerling
Pavillon de chasse de la Maison de Habsbourg, Autriche, 1889
Où l'on apprend que Rodolphe et son cousin voulaient un Royaume socialiste. Où l'on apprend que Rodolphe et son amante furent assassinés.

Deuxième feuilleton - L’Embarquement des émigrants
Port de Cardiff, Pays de Galles, 1895
Où l'on rencontre les passagers. Pauvres et riches. Où l'on apprend que certains sont débarqués contre leur gré et d'autres embarqués malgré eux.

Troisième feuilleton - Victoria a bon appétit
Windsor Castle, Angleterre, 1895
Où l'on apprend que Salvatore a disparu avec son navire, corps et bien, il y a cinq ans, lors de son naufrage sur les côtes argentines. Ce qui donne l'occasion à Darwin d'exciter l'appétit de Victoria.

Quatrième feuilleton - Le Partage forcé
« Palais » du Gouverneur de Patagonie, Punta Arenas, Chili, 1895
Où l’on apprend l’imbécillité de la guerre entre Argentins et Chiliens.

Cinquième feuilleton - La Mission patagonienne
Sur la rive Sud du Canal de Beagle, en Magellanie, 1895
Où l'on apprend que celui qu'on croyait mort est en réalité bien vivant et où l'on rencontre les missionnaires, les Indiens, les massacreurs.

Sixième feuilleton - Le Naufrage du Fol Espoir
Au large de l’île Hoste, en Magellanie, 1895
Où l'on apprend que l'Océan est tout puissant et l'être humain minuscule et que rien n’est jamais tout à fait perdu…

Septième feuilleton - La bonne idée du Gouverneur
Sur la lande glacée, aux abords du bateau échoué, Île Hoste, 1895
Où l’on apprend que le gouverneur a une idée derrière la tête : le Chili offre l’île Hoste en toute souveraineté aux naufragés. Où l'on apprend que les Gautrain ont trouvé ce que depuis toujours ils cherchaient, que l'Or vient donc de faire son entrée, que les dès sont ainsi jetés pour certains, et que les résolutions humaines sont fragiles.

Huitième feuilleton - L’autre rêve ou La nuit décisive ou Le Contrat social
Sur l’épave du bateau, Île Hoste, 1895
Où l'on apprend qu'il y a deux façons d'imaginer la prise du pouvoir. Où l'on apprend que Dieu peut diviser au lieu d'unir, et que les femmes sont toujours oubliées.

Neuvième feuilleton - La Ruée vers l’or ou Adieu à Hoste
Sur la lande glacée, Île Hoste, 1895
Où l’on apprend qu’on peut mourir d’amour dans les glaces. Où l’on apprend qu’un mari aimant peut ne pas se retourner pour voir ce qu’il aurait dû voir… Où l’on apprend que Salvatore choisit les Indiens.

Les Naufragés du Jonathan, Jules Verne (1897) : Le Kaw-djer, appelé de cette manière par les tribus amérindiennes qui lui sont reconnaissantes de ses soins, est un homme mystérieux qui a fui la société occidentale et ses lois pour trouver l’indépendance dans les îles encore libres et presque désertes de la Magellanie[La Magellanie, dont la capitale est Punta Arenas, est la région la plus au sud du Chili. Ses premiers occupants étaient des Amérindiens (parmi lesquels les tribus Selk’nam et Alakaluf), aujourd’hui disparus. Son nom provient bien sûr de l’explorateur Ferdinand Magellan, qui en 1520 découvrit le détroit entre le sud de la Patagonie et la grande île de Terre de Feu.]. Après le naufrage d’un bateau sur l’île Hoste, les rescapés tentent de survivre et de s’organiser, mais leur violence et leur convoitise (notamment lorsque de l’or est découvert) les rendent incapables de prospérer pacifiquement, et le Kaw-djer, médecin et ingénieur, est contraint de devenir leur chef. Son œuvre achevée, sa dernière retraite sera le phare qu’il a fait construire sur l’île Horn.


Ce film voudrait être le spectacle d’un monde à la fois en déroute et en formation. Ce film du film lui-même, change de focale au gré des tempêtes humaines. Nous passons d'une sorte de panoramique moral et politique, avec un prêche enflammé dans les glaces australes à propos de la fraternité reconsidérée par Marx, à un zoom avant sur telle poulie, tel éclairage, tel accessoire, tel détail, tel presque rien qui prend alors soudain des proportions insondables.