Le jeune Théâtre Aftaab, en voyage… prend son envol.
Nos 14 compagnons afghans artistes et artisans de théâtre arrivent au bout de leurs « années d’apprentissage », six belles années de rencontres et de partage, d’observation des différents domaines du théâtre et des arts… Ils sont aujourd’hui transformés par ce faisceau d’influences.
Leur dernière création Sophocle / Œdipe,Tyran, mise en scène par Matthias Langhoff, créée à l’Ensatt, jouée au festival d’Avignon, puis à la Cartoucherie à l’automne dernier, les a ramenés sur la route de leurs origines, les a éclairés aussi sur la voie qu’ils souhaitaient suivre : œuvrer à leur manière et à leur niveau à l’édification d’un Afghanistan vivant et libre.
Soyons francs, la situation à Kaboul est alarmante et dangereuse… Pourtant il n’y aurait pas de sens à créer une troupe afghane en France sans lien immédiat et quotidien avec l’Afghanistan… La troupe décide de créer une base en France, qui lui permettra, dans sa lutte, de reprendre un peu d’air quand ce sera nécessaire :
« Nous voulons être des artistes libres, mais nous voulons être des artistes vivants ! »
Grâce au soutien de la Région Rhône-Alpes, ils bénéficient aujourd’hui de cartes de séjour « compétences et talents » qui rendent possible leur libre circulation entre la France et l’Afghanistan pour les trois prochaines années. Ce qui était la condition sine qua non de la réalisation de leur nouveau projet de vie et de travail : reconstruire le théâtre où « en lieu et place de ces vestiges se dressait une ville dont la renommée avait conquis le monde. (…) En ce temps là, on n’inventait pas la cage. (…) En ce temps là, la ville était sans Porte. En ce temps-là, on ne dressait pas de muraille, on ne creusait nul fossé. La ville était un parc ; la ville était fleurs, bosquets, maisons sobres, discrètes, agréables à l’œil, reposante à vivre. Les jeunes filles et garçons, se consacraient à la beauté de la Cité, à son entretien, à son atmosphère. Ou bien ils promenaient le long de la rivière, s’embrassaient et s’aimaient de parcs en sous-bois. » (S.B Majrouh, Ego monstre Vol.1, Le Voyageur de la Nuit)
Voici donc Le Théâtre Aftaab, en voyage.
En voyage. Pas en exil. Ils ont choisi de placer l’espoir de jours meilleurs au cœur de leur aventure.
Une association loi 1901 donc, qui, comme pour n’importe laquelle des compagnies de théâtre en France, permettra au Théâtre Aftaab de structurer son travail de production et de diffusion des spectacles afin, nous l’espérons, qu’il vive bientôt de son seul travail artistique.
La compagnie est basée en région Rhône-Alpes, là où le Théâtre des Célestins et son directeur Patrick Penot soutiennent le Théâtre Aftaab depuis sa première création collective, Ce jour-là (2009), le plaçant au centre de la programmation de son Festival Sens-Interdits ces deux dernières années. L’équipe lyonnaise aide activement la compagnie naissante dans sa structuration et son appréhension du réseau théâtral français, et l’ancienne école des membres de la troupe, l’ENSATT, accepte de parrainer Le Théâtre Aftaab, en voyage en hébergeant son siège social.
Le Théâtre du Soleil reste évidemment le tuteur, le compagnon fidèle de la jeune troupe et c’est à la Cartoucherie, dans notre bureau qu’elle se met pour l’instant au travail. C’est aussi dans nos nefs que les acteurs vivent en attendant que Le Théâtre Aftaab, en voyage obtienne les aides nécessaires à son bon fonctionnement.
Vous savez que vous pouvez, si vous le souhaitez, continuer à les soutenir, comme nombreux d’entre vous l’ont déjà fait par le passé, en devenant mécène du Théâtre Aftaab, en voyage.
La rencontre avec Matthias Langhoff, homme de théâtre radical et décapant, dont le travail d’une implacable rigueur témoigne aussi d’un attachement tout particulier au texte, a fait éprouver à la jeune troupe « la rupture entre une âme pleine d’idéaux et une réalité qui résiste », selon les mots de Jürgen Jacobs, et l’a placée face à une question déterminante pour sa pérennité :
Comment se réconcilier avec le monde et y prendre sa place ?
Le Théâtre Aftaab et Matthias Langhoff poursuivront leur compagnonnage avec l’Antigone de Brecht.Première étape, si la situation le permet : répéter à Kaboul, y créer le spectacle pour le public afghan, puis le jouer en France en 2013, lors d’une tournée qui compte déjà de solides partenaires : le Théâtre Nanterre-Amandiers, la Comédie de Caen, le Théâtre Dijon Bourgogne et la Scène nationale Bonlieu à Annecy.
Tout reste encore à faire, l’instabilité politique du pays nous renvoie sans cesse à nos espoirs de renouveau comme à nos pires cauchemars de destruction. Nous n’avons pas de choix que d’avancer, nous cherchons encore des partenaires et des fonds pour faire démarrer les répétitions en juin à l’Institut Français d’Afghanistan à Kaboul et pour, de retour en Afghanistan, permettre au Théâtre Aftaab en voyage de donner des ateliers pour les enfants et des cours à la Faculté des Beaux arts de Kaboul, ainsi que de créer un programme télévisé pour initier un large public à l’histoire du théâtre.
À ce jour, le Théâtre Aftaab compte six spectacles à son répertoire :
Le Tartuffe, mise en scène d’Hélène Cinque (2008), d’après la mise en scène d’Ariane Mnouchkine
Le Cercle de craie caucasien, de Bertolt Brecht, mise en scène d’Arash Absalan (2008)
Ce jour-là , création collective, mise en scène d’Hélène Cinque (2009)
L’Avare, de Molière, mise en scène d’Hélène Cinque, sous le regard bienveillant d’Ariane Mnouchkine (2010)
Les Chiens , mise en scène de Laurence Levasseur (2010)
Sophocle, Œdipe / Tyran , mise en scène de Matthias Langhoff et Shaghayegh Beheshti (2011)